Pour Alix, ma petite-fille née un dimanche de l'Épiphanie
Jésus est à Bethléem, en Judée. Hérode en est le législateur. Des bergers, ou des mages (selon Luc ou Matthieu), venus d’Orient, sont avertis par un ange que le Messie, Roi des Juifs, vient de naître. Où est-il ? « Nous avons vu son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage. » Les voilà guidés. Les peuples d’Orient étaient versés dans l’observation des astres. Certains les adoraient.
Ces bergers viennent de l’Anatolie. Par le truchement d’Hérode le Grand, ils apprennent que c’est à Bethléem qu’est né le grand roi. Ils se mettent en route, comme ce paysan Chaldéen parti sans trop savoir où il allait. « Va vers le pays que je te montrerai. » avait dit Dieu à Abraham. Guidés par l’étoile ils sont amenés auprès de l'enfant entouré de ses parents, et lui rendent hommage.
Un mage désigne à l'origine un prêtre persan ou mède de Babylone. Bède, un moine anglais du VIIe siècle, voit en eux trois continents : l'Asie, l'Afrique et l'Europe, autrement dit le genre humain. Ils sont trois, comme les trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet, répartissant leur descendance sur toute la terre, selon le récit de la Genèse (9, 18-19). Ces mages d’Orient sont le symbole des nations. L’univers connu alors se limite au Bassin méditerranéen. Aujourd’hui, l’univers connu est un kaléidoscope de cultures. L’Évangile s’annonce à toutes les nations, appelées à reconnaître dans le Christ celui qui est le maître de l’histoire.
Il y a dans cette histoire un signe théologique. Que signifie ce signe des mages suivant l’étoile, sinon que l’homme de bonne volonté, fidèle à sa conscience et guidé par son intelligence, peut être conduit vers Dieu, simplement parce que Dieu a créé l’homme désireux et capable de Le rencontrer. Les Pères de l’Église, influencés par la philosophie grecque, ont reconnu que cette recherche de la vérité conduisait vers la sagesse, laquelle ne pouvait être que Dieu lui-même. Ainsi ces mages symbolisent l’ouverture universelle de la manifestation de Dieu en ce monde. La joie éprouvée par les mages quand l’étoile s’arrêta, c’est la joie de l’homme qui découvre la vérité, de la conscience qui s’ouvre à la plénitude de l’amour de Dieu, c’est la joie de celui qui saisit que Jésus est le Sauveur.
Les chrétiens sont les porte-paroles de la révélation de Dieu à l’humanité, ne cherchant qu’à annoncer le Christ, sans rejeter des cultures étrangères. Les chrétiens ne sont pas les combattants croisés d’une religion contre une autre. C’est pourquoi cette fête de l’Épiphanie est un moment d’espérance, qui travaille au rassemblement de l’humanité dans le Christ. Elle est en même temps une mission, qui sollicite l’audace d’annoncer le Christ à tous. Ça n’est pas une mince affaire. À chacun de puiser dans sa foi la source du respect de celui qui ne la partage pas.
La démarche de ces bergers s’inscrit dans la recherche de l’intelligence pour organiser un monde moins pire que ce que nous en avons fait, vers plus de vérité et d’authenticité pour l’existence des hommes. L’étoile parle à l’esprit et au coeur même de l’homme et le guide dans son histoire, en stimulant sa condition de voyageur à la recherche de la vérité et du désir de l’absolu. Alors l’idée de l’Infini surgit. Qui traduit la concrétude de la relation à l’autre homme, « épiphanie et trace du visage d’Autrui » concluait Lévinas.
Gerard Leroy, le 31 décembre 2021