Pour Marie, que j’embrasse

   Nous serions aveugles, ou complotistes, en ne reconnaissant pas que notre humanité fait face à des défis sans précédent.

Face à l’un d’entre eux, l’impuissance politique est nourrie de l’incapacité des dirigeants à s’unir pour prendre à bras-le-corps la crise environnementale. Bruno Latour, décédé début octobre 2022, proposait, lui, de poser l’écologie comme le facteur discriminant des nouvelles oppositions politiques et de faire advenir un nouvel acteur, « la classe écologique », pour en porter le combat. À cette expression belliqueuse il me semble préférable d’assigner à la « classe écologique » le rôle de lanceur d’alerte pour la réflexion.

Dans un contexte où règne une sorte d’indifférence, d’irénisme, de passivité, il convient de reconnaître que l‘écologie divise sur de nombreux sujets annexes. Latour assumait sa radicalité, en même temps qu’il était conscient de la nécessité de se libérer de la fascination phagocyte de la production. Le point de clivage, d’après ce philosophe, qui dresse la nouvelle classe écologique contre toutes les autres, c’est qu’elle veut restreindre la place accordée aux rapports de production, tandis que d’autres veulent l’étendre. De sorte que l’objectif ne devrait plus être « la croissance », mais « la prospérité ». 

L’impuissance politique, observe-t-il pertinemment, souffre du manque d’un sérieux travail de réflexion et d’enquête. Ce qui permettrait de dégager l’objectif auquel nous tenons, et s’y plier. Que chacun s’interroge : « De quoi dépendons-nous ? Y tient-on vraiment ? Ça fout-le-camp ? Que fait-on pour le retenir ? »

À partir de la conscience que nous avons du monde présent,  « où l’on vit » et « dont on vit », et de la nécessité de se disposer en phase avec le travail que ce monde requiert, le futur proche de la vie démocratique s’établit sur des enjeux nouveaux à chaque moment de l’histoire. À reconnaître.

En septembre, Bruno Latour revenait sur l’épuisement de la politique, qu’il qualifie de « pathétique ». Pour lui, le moment serait venu de recommencer sur nouveaux frais la composition d’un monde commun. Telle est la tâche politique essentielle. Qui n’a rien d’original et qui n’est pas d’abord politique mais culturelle.

Le philosophe appelait de ses vœux un véritable travail (à qui revient-il ?) pour composer ce monde commun dont il faut tenir compte des aléas éventuels qui brouillent la finalité.

 

Gérard Leroy, le 2 novembre 2022