Pour Véronique et Bernard Schürr, en hommage amical
Comment Athanase, évêque d’Alexandrie au IVe siècle, rend pensable la foi au Christ face au défi de l’arianisme.
En Jésus-Christ, surgit le concept de la nouveauté de Dieu, délaissant toute approche métaphysique. En faisant irruption dans le monde le Dieu transcendant vient vers l’homme en étant un Dieu pour nous. Au point que ce « pour nous » est, ontologiquement, son être « en soi ». Ce « pour nous » est l'être de Dieu.
Ce Dieu « pour nous » éternel, l'est depuis toujours. Et ce Dieu « pour nous » établit un lien entre lui-même et sa création, entre le Verbe éternel avec l’humanité de Jésus. Jésus, dans sa chair, « puise une existence éternelle qu'il a à communiquer aux hommes en participation de son être propre » (1) ; Jésus, dans sa chair, par son activité et ses manifestations dans l'Histoire, « s’assume enfin comme l'être-là accompli du devenir homme qui lui était assigné depuis son origine en Dieu », écrit J. Moingt. Ce qui signifie que l’unique engendré venu du Père, est reconnu propre et unique Fils de Dieu depuis toujours et dans la totalité de son devenir homme.
En reposant la question de ce que Dieu peut être en soi, il convient de garder en mémoire la précaution que prendront d’autres théologiens au Moyen-âge devant l'impossibilité de dire ce que Dieu est en soi. Toute tentative de l’exprimer reste vaine devant la « suréminence inobjectivable » (2).
On peut cependant reconnaître que ce Dieu « pour nous » renvoie à cette relation trinitaire et définit l’organisation des relations entre les personnes. La Trinité immanente est la vie, à la fois de communion et de communication entre le Père et le Fils auxquels le concile de Constantinople reconnaît la présence jointe de l’Esprit-Saint en eux et entre eux. Si le Père est de nature divine, le Fils qui partage la même nature ne peut être que divin.
Ce que l'on dit de Dieu, c'est tenter de définir son être comme acte d'exister en corrélation entre un Autre et un Autre dans l'identité infinie et mystérieuse du « même », qui signifie « la relation d'amour entre un aimant et un aimé qui se réfléchit en ressource débordante d'amour » (3).
Cette « nouveauté de Dieu », interpelle. La Résurrection révélée par l’Évangile manifeste la solidarité de Dieu avec Jésus souffrant, et de surcroît sa présence avec lui sur la croix.
Tout homme mort a été précédé par une existence. Qui a commencé et qui s’est terminée, celle de Jésus sur une Croix. Le prologue de l’Evangile de Jean déclare cependant que le Christ existe de toute éternité, en tant que Fils de Dieu, qu’il s'origine en Dieu. C'est un concept clé dans la théologie des Pères apostoliques. On peut parler de « précédence » du Christ, plutôt que de « pré-existence » (4). La Trinité se déploie donc dans « la chair du monde » (autrement dit dans son « histoire »), afin de révéler les relations (5). entre Dieu comme Père de Jésus, Jésus en tant que Fils de Dieu et l'Esprit qui est l’amour mutuel de l'un pour l’autre (6). Tel a été l’argument d’Athanase.
Gérard Leroy, le 12 janvier 2024
- cf. Jn 17, 21. cf. Joseph Moingt, Croire au Dieu qui vient. I. De la croyance à la foi critique, Gallimard, 2014, p. 466.
- Th. d’Aquin, dans la Prima pars, distingue l'Être (« Esse » ) de Dieu (q 2 art 1 & 2) du « comment il est » (« Essentia » ), (q 3 à 11). Les noms signifient la substance divine et sont attribués à Dieu substantiellement mais ils défaillent quant à ce qu'ils expriment. "La visée dépasse l’expression », cf. Thomas d'Aquin, Summ Théol., Ia, q 13, art. 2.
- J. Moingt, op. cit., p. 469
- « Avant qu’Abraham fut, je suis », Jn 8, 58
- cf. Joseph Ratzinger : « la relation est une forme originelle de l’être au même titre que la substance ».
- cf. J. Moingt, Dieu qui vient à l'homme. De l'apparition à la naissance de Dieu. I, éd. Cerf, coll. Cogitatio fidei, no 222, 2002, p. 9.