Pour Shermat, en hommage amical

   Comme le judaïsme, comme le christianisme, l'islam est mis à l’épreuve de cette modernité inéluctable liée à la mondialisation. Or il se trouve que l’Europe, à considérer comme figure spirituelle ainsi que l’avait vue Edmund Husserl, est un laboratoire privilégié pour étudier le dialogue et la relation des trois monothéismes avec l'humanisme séculier.

En effet, la culture européenne, différente de la culture nord-américaine, est devenue post-religieuse. On ne doit donc pas s'étonner si le projet de Préambule à la Constitution européenne sur laquelle nous avons eu à nous prononcer, ne comporte pas de référence à Dieu, comme le voulaient les Polonais.

En revanche, parmi les composantes historico-culturelles de la civilisation européenne, on doit certes mentionner le patrimoine gréco-romain. Mais cela relèverait du négationnisme si l’on occultait, à côté de l’héritage judéo-chrétien, l’héritage abbasside et la tradition arabo-musulmane. Dans les sociétés pluri-culturelles et pluri-religieuses de l'Europe, les trois traditions monothéistes ont une responsabilité historique face au défi de la mondialisation, au service d'une Europe nouvelle et aussi ,plus généralement, de la communauté mondiale.

L'Europe a délaissé son ambition de conquête coloniale. Les valeurs de l'esprit européen sont d'un grand prix pour les diverses nations du monde. Attachons-nous ici à l'importance d'une nouvelle convivialité de l'islam et du christianisme face aux dérives de la mondialisation et cela, dans un débat constructif avec les exigences éthiques de l'humanisme séculier.

La mondialisation est un phénomène irréversible qui comporte des effets bénéfiques pour l'ensemble de l'humanité. Mais l’on a raison de craindre le double écueil de la mondialisation, soit le processus de globalisation qui tend à sacrifier les identités culturelles et religieuses, ajouté à un système économique mondial sous le signe de la loi du libre marché, générateur d'une plus grande pauvreté pour des pans entiers de l'humanité. Face à ce double danger, la rivalité ancestrale des deux premières religions du monde devrait prendre la forme d'une émulation réciproque. Les effets de la mondialisation devraient orienter les religions chrétienne et musulmane, effaçant les rivalités ancestrales, vers une émulation réciproque dans la conscience d’une responsabilité historique commune au service de la communauté humaine. Les événements tragiques (11 septembre 2001 et suivants), devraient inciter l’islam à affirmer son identité véritable et se distinguer des dérives aberrantes de l’islamisme.

Le dialogue entre ces deux grandes religions est d’un enjeu considérable pour l’avenir de notre civilisation planétaire. À partir des ressources spirituelles de leurs Écritures et de leurs traditions, leur vocation historique commune est de travailler à l’humanisation de la mondialisation, sans craindre de brader leurs fois respectives. Les intellectuels musulmans européens ont à créer un pont entre l'Europe et un monde musulman encore trop souvent soumis à l'idéologie des Frères musulmans ou à la puissance théocratique du chiisme iranien.

Notons trois aspects de la responsabilité historique des chrétiens et des musulmans en tant que citoyens européens : la quête de l'humain authentique, la vocation prophétique des deux traditions religieuses et le combat pour la sauvegarde de notre environnement.

La tache est à leur portée.

 

Gerard Leroy, le 10 décembre 2021