Pour Fr. François, fraternellement

Pour Bertrand, Edwige, Bruno, Marie, que j’embrasse

   « La lumière luit dans les ténèbres et les hommes ne l’ont pas reçue » (Jn 1)

Au nom de quoi le chrétien s’engage-t-il sinon au nom d’un phénomène historique, l’irruption de Dieu dans l’histoire humaine, l’Incarnation ? Ce qui diffère des discours apologétiques qui se dégagent de l’histoire.

Par « histoire » se désigne le monde pour autant qu’il est centré sur l’homme, conduit par l’homme, une histoire à laquelle Dieu s’est lié, jusqu’à s’y compromettre. La foi que les chrétiens relaient depuis l’aurore apostolique c’est l’annonce que Jésus est venu, qu’il s’est manifesté comme Christ au matin de Pâques, qu’il est Dieu —comme Père et Amour—, incontestablement, absolument, décisivement, définitivement en ses conséquences surhumaines. C’est dans notre histoire, dans notre monde que Dieu a fait irruption. Le monde est ce que nous faisons de ce qui nous est offert, par Lui ; au terme de l’histoire tout nous apparaîtra comme venant radicalement de Lui. Jésus-Christ n’est pas indépendant de l’histoire humaine. Il est « dedans ».

La foi qui cherche à « rendre compte de l’espérance qui est en nous » (cf. 1 P 3, 15-18), invite à tirer le meilleur parti des éléments pour penser le temps présent. La Parole nous renvoie à l’histoire et nous convoque. Développer une théologie de la Parole c’est le premier temps de la théologie, ce moment annonciateur qui a trop souvent été escamoté au profit d’une catéchèse qui suppose la foi déjà acquise. Du mystère de la Parole on débouche sur le ministère de la Parole qui nous engage dans une catéchèse, non sous l’angle de recettes ânonnées, avec une couverture intellectuelle pour faire avaler les couleuvres, mais comme une théologie authentiquement catéchétique. La perspective s’élargit à la pastorale, qui devient théologie et non plus un recueil de recettes pratiques à l’usage des pasteurs.

Ne nous laissons pas tromper par les discours qui relèvent d’un autre monde, immobile, un monde d’ailleurs, d’une foi frileuse, qui refuse de s’exposer au doute, d’une foi moralisante qui met Dieu à la place du juge d’instruction et Satan à la place du juge d’application des peines. Il reste à envisager la foi vivante, la foi qui, à la façon d’une tête chercheuse, va à la rencontre des événements et s’en saisit pour les intégrer à son propre univers et les clarifie et les pèse devant le Christ.

La difficulté, c’est d’acquérir l’intelligence chrétienne du moment historique, ce qui suppose d’abord la stricte et exigeante intelligence de la vérité signifiante de ce moment, et d’intégrer ensuite ce moment de l’histoire dans la vision totale qu’éclaire une foi vivante.

Gérard Leroy, le 20 décembre 2023