Pour Nicole Cathala, Henri-Luc, Louis et Jackie, en hommage amical
Le Hamas est-il terroriste ? Comment appelle-t-on celui qui sème la terreur ? Un pianiste ? Un cycliste ? Madame Panot manque décidément de vocabulaire. L’attaque du 7 octobre ne vient pas de nulle part. Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France l’explique ainsi : « L’attaque du Hamas résulte de la conjonction d’une organisation islamiste fanatique et d’une politique israélienne imbécile ».
D’où vient le Hamas ? Que vise-t-il ? Le premier fondateur de l’islamisme est l’Égyptien Hassan al-Banna (†1949). Il fonde au Caire, en 1929, l’association des Frères Musulmans qui, officiellement, refuse la violence. Considérant l’islam comme système global —total— de vie, Hassan al-Banna prône une réorganisation de la société à partir d’un État vraiment islamique dans toutes ses composantes.
Cette organisation politique entend éduquer le peuple et l’amener à être « fort, fier, efficace ». Le mouvement définit l’islam comme « religion et État, Coran et glaive, culte et autorité, patrie et citoyenneté », se donnant « Dieu pour but, le Prophète pour modèle, le jihad pour voie, et le martyre comme vocation. »
Hassan al-Banna demande, en 1943, l’établissement en Égypte d’un État islamique. Il meurt assassiné en 1949.
Le second, Sayyid Qutb, est plus radical ! Cet Égyptien, poète à ses heures, s’oppose à tout, au capitalisme, à l’individualisme, au matérialisme, à la mixité, à l’émancipation de la femme, celle-ci étant par nature inférieure à l’homme selon Qutb.
Qutb fustige les influences occidentales qu’il considère comme nuisibles. Non seulement Qutb défend l'idée d'une « lutte contre les Juifs », mais il dénie le qualificatif de « civilisation » aussi bien à l'est socialiste qu’à l'ouest capitaliste, deux blocs qui incarnent selon lui la « jahiliya », autrement dit l'ignorance. Qutb combat cet état d’ignorance dans lequel se serait trouvée la société anté islamique. « La société de l’ignorance anté-islamique, dit-il, c’est toute société autre que la société islamique (...) nous faisons entrer dans la catégorie d’ignorance anté-islamique toutes les sociétés qui existent de nos jours sur terre : les sociétés communistes (...), les polythéistes (Inde, Japon, Philippines, Afrique), les sociétés juives et chrétiennes… ».
Jugeant l’incapacité des gens à comprendre réellement l’islam, Qutb condamne et la société égyptienne contemporaine, et le nassérisme qu’il combat en vue de réislamiser la société. Car l'islam —bien compris selon lui— doit apporter la solution à tous les problèmes, politiques, économiques, sociaux.
Si comme il se doit Sayyid Qutb accorde la souveraineté exclusive à Dieu, cette souveraineté inclut le domaine judiciaire et politique (hakimiyya), lequel domaine doit se placer au service de Dieu (ubidiyya). La grande nouveauté apportée par ce leader des Frères Musulmans réside cependant dans la justification du recours à la violence.
Ce mouvement se radicalise. Sayyid Qutb élabore une théorie qui autorise le recours à la violence, allant jusqu’à déclarer infidèle un gouvernant musulman qui ne fonde pas son action sur les principes intégralement islamiques. Sayyid Qutb ouvre la porte à la lutte armée qui se revêtira bientôt du terme de « jihad »
Nasser le fait exécuter par pendaison le 29 mai 1966.
Le dernier précurseur est un Pakistanais, mort en 1978. Abul A'ala Al-Mawdûdî martèle que tout universalisme doit combattre la jahiliyya, ce « temps de l’ignorance » condamné en Égypte par Qutb, ce temps des barbares incrédules, ce temps de l’histoire antérieur à l’islam. C’est pourquoi Al-Mawdudi fonde, en 1941, le Jamaat e islami, un parti très influent au Pakistan, qui se livre à une attaque en règle des sociétés musulmanes qui opèrent, selon Mawdûdî, un retour à la jahiliyya. Il appelle à la révolution islamique et définit l’islam comme une idéologie politique, dont la fonction est de penser de manière totalisante la société et l’homme. Ainsi l’islam doit-il devenir la norme de la société, lorsque tous les éléments —le droit, la Constitution, l’économie, le pouvoir politique— seront pensés selon l’islam.
En 1980, les Frères Musulmans se dotent d’un bras armé clandestin, le Jihad, infiltrant les institutions. De cette branche palestinienne naîtra le Hamas.
Gérard Leroy, le 4 janvier 2024