Pour Sophie Guerlin, en hommage amical

   L’Empire byzantin hérite l’art paléo chrétien de l’Empire romain d’Orient, lui-même prolongeant une tradition artistique de l'Antiquité. Le premier art byzantin surgit au IVe siècle avec Constantin le Grand et se poursuit selon un mélange de tradition romaine, de tradition orientale et de christianisme. L'art byzantin se développe ensuite entre la chute de l’Empire romain d’Occident au Ve siècle, et le renversement de Constantinople dix siècles plus tard par les Ottomans de Mehmed II en 1453.

Deux événements marquent le IVe siècle : l’édit de Milan, en 313, qui autorise tous les cultes, mettant fin aux persécutions des chrétiens, et permettant l'élaboration de l'art chrétien monumental. En 330, Constantinople est consacrée « nouvelle Rome ». L’événement crée un nouveau centre artistique pour la partie orientale de l'Empire chrétien. L’apogée de l’art byzantin coïncide alors avec le règne de Justinien († 565), lequel a fait (re)construire la basilique Sainte-Sophie que décorent aussi des portraits impériaux, objets d’une véritable vénération. L’empereur, à son avènement, fait envoyer ses images dans les provinces.

Il y a un lien structurel entre la peinture byzantine et la Bible. L’un des principaux genres de l'art byzantin est l’icône. L’icône (gr : gravure) est de nature religieuse, secondairement culturelle. Les saints militaires et les figures fondatrices du monachisme ont une grande importance dans l’iconographie byzantine. À la fin du VIIIe siècle on en venait à prêter à l’icône une sacralité quasi-égale à celle de la Bible elle-même.

Dans les églises paléochrétiennes une cloison séparait le sanctuaire du reste de l’église ; ce chancel fut surmonté de colonnettes reliées par un épistyle sur lequel on fixa, à partir du Xe siècle, des icônes. Celles-ci pouvaient représenter ensemble Adam et Ève, le Christ, David et Salomon ; l’une, sur le Mont Athos au XIIe s., où le Fils est assis sur les genoux du Père, soulignait la paternité dans la Trinité. L’icône de la Trinité de Roublev, au XVe siècle, s’inspirait de l’hospitalité d’Abraham dans le Livre de la Genèse : « Permettez qu’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez (…) Je vais chercher de quoi manger… » (Gn 18, 4-6) (1).

Certaines icônes finirent par s’introduire dans des sanctuaires catholiques.

Les premiers manuscrits bibliques enluminés datent du VIe siècle. Ainsi cet ancien codex biblique illustré provenant de Syrie et conservé à Vienne, d’où son nom : Genèse de Vienne. Un autre codex, le Codex Purpurus, en Calabre, est un manuscrit enluminé sur parchemin pourpre en écriture grecque. Les enluminures reproduisent, entre autres : le banquet d’Hérode ; la mort de saint Jean Baptiste ; la multiplication des pains ; la guérison des aveugles de Jéricho ou le miracle du figuier desséché. On trouve cela dans le Codex Sinopensis ou Évangile de Sinope qu’on peut consulter à la BNF.

Les mosaïques ont prospéré. Leur tradition, née au VIIe siècle, nous est révélée aujourd’hui par la carte de Madaba, les mosaïques du Mont Nébo, ou le monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï.

L’orthodoxie est enracinée dans la tradition byzantine que l’Occident a redécouverte et reprise au XXe siècle, donnant à l’icône « d’offrir une occasion de rencontre transformante » (2).

 

Gérard Leroy, le 22 octobre 2021

    1.    François Boesflug, La Vie spirituelle, n° 640-641 septbre 1980, pp 895-907

    2.    F. Boesflug, Revue Études, février 2020, p. 90.