Faisant suite à la 798e sur l’origine du mal, la 799e porte sur notre vacuité politique, la 800e regardera l’Église de France aujourd’hui. J’ai le plaisir de vous réserver cette deuxième chronique en hommage amical.
On déplore que les médias réduisent leur observation à la politique française, à nos prurits et à nos bobos, délaissant les événements du monde. Il est pourtant légitime le réel tropisme vers le Soudan déchiré entre le nord et le sud, vers la pression exercée par le gouvernement Nicaraguayen sur les chrétiens, la faillite du Sri Lanka, le maquignonnage des petites filles en Afghanistan, le sort des Tibétains, des Rohingyas, la détention arbitraire au Xinjiang des Ouïgours, les projets impérialistes perse et ottoman, le sort et le ressort de la Syrie. Et l’Ukraine, qui accapare l’attention de tous les instants. Qu’on me pardonne de ne pas accorder autant d’attention à la descente de Saint-Etienne en 2e division ou à la gastro de la reine d’Angleterre.
On peut éprouver un réel mépris pour le climat politique délétère en France où la hyène voudrait déchiqueter la biche, où des combats de chiffonniers se renforcent de la vox populi qui ne voit d’issue que dans le chambard. Les champions populistes démagogues se multiplient. Le bonapartisme n’est pas loin, voire le fascisme. Sans la vertu qui fait préférer les exigences du Bien public à celles de la réélection, la démocratie est décidément un bien fragile acquis.
La politique française est aujourd’hui perçue comme un art de l’utilité, de l’artifice et de l’intrigue. Machiavel en est le mentor. Certains déversent une bile nauséabonde et haineuse contre l‘autre « hérétique ». Nombreux sont tentés de rejoindre les moutons dans la rue. Ainsi se réduit l’espace des vraies réflexions qui sont rares, rarement généreuses, indifférentes au monde à venir. Au lieu d’investir dans une recherche d’un sens à l’existence, un souci du prochain à servir, essentiellement réglé par des critères humains. Bref, la politique devrait être une éthique, un acte de penser l’autre comme co-partenaire d’un monde qui ne se fera pas sans lui, sans ses aspirations, ses intérêts, ses désirs. Au lieu de cela on se heurte à des plans de carrière sans intérêt, sauf pour les passionnés de mythologies ou les amateurs de TV réalité.
Ainsi, quel candidat, aux dernières élections législatives françaises, a ouvert le dossier du délitement du lien social, de la part qu’y prenait la disparition du petit commerce ? Qui a noté l’anonymat cybernétique entretenu par les administrations ou les entreprises qui immunisent leur irresponsabilité ? Qui s’est préoccupé du rapport de la justice à la liberté ? Qui a pensé l’éducation autrement qu’en termes de réussite scolaire ? Qui a penché son regard sur la fin de vie ? Qui perçoit une banalisation de la mort ? Qui réfléchit à la remise en cause du dogme du libre échange ? Qui prêche la nécessité d’une éthique dans le débat public ? Qui ?
« Ce qu’il y a de pire en l’homme, disait Vaclav Havel, c’est l’égoïsme, l’indifférence, la lâcheté, la peur, la résignation, le désir de toujours se tirer d’affaire pour son propre compte sans égard pour les conséquences générales ».
Pour l’heure le monde attise les guerres, pour se dépêtrer d’une existence qui n’en est plus, aspirer à une survie d’une joie trépassée.
Tout pouvoir reflète l’œuvre de ceux qu’il régente. N’attendons pas un salut qui vienne du château. Il est en ruines.
Prenons la truelle.
Gérard Leroy, le 2 septembre 2022