Pour Henri-Luc, en hommage amical
La christologie philosophique a conquis un droit de cité chez les philosophes. Un risque la guette : en plus de courir le danger d’être sécularisée, celui de ramener la personne du Christ à la fonction de symbole. Il n’y a cependant, aucune raison de refuser au Christ-Logos sa manifestation dans l’aire de la pensée. Car, en l’occurrence, il vient chez les siens, il est homme parmi les hommes, comme l’annonce saint Jean dans le prologue de son Évangile, même si les siens ne le reconnaissent pas.
La christologie philosophique est un nouveau champ de recherche de la philosophie, apparu dans les années 1970 et thématisé par le jésuite Xavier Tilliette († 2018). Le pivot de toute christologie qui voudra se présenter comme philosophique, c’est-à-dire dans le miroir en énigme de la raison, est l’Idea Christi d'Érasme et de l’évêque du Saint-Empire Nicolas de Cuse, à la fin du Moyen âge.
La philosophie chrétienne, née de la Révélation, élaborée par X. Tilliette, a été relayée par un phénoménologue français mort en 2002, Michel Henry. Dans sa diversification, elle rassemble tous les titres du Messie. Elle est inséparable de sa manifestation en Jésus de Nazareth ; sur celui-ci s’articule tout l’organisme de notions que déploie l’ Idée. Il est le Témoin, le porteur de l’ Idée de l’Absolu.
Ce serait donc une erreur d’écarter la philosophie de la christologie. L’exemple de Socrate s’impose aux disciples. Les plus belles pensées reposent sur un acteur de vérité, non sur un logos anonyme.
Ainsi Spinoza saluait-il le Christ philosophe suprême, qu’il suffit d’écouter ; de même Leibniz reconnaissant le métaphysicien insigne, Kant le maître de sagesse et le titulaire de l’intuition intellectuelle, même Fichte qui reconnaissait en Jésus le véritable auteur et « accomplisseur » de la Doctrine de la Science. S’il n’est pas lui-même visionnaire, le philosophe imagine un inspiré, dont il induit la trace.
La philosophie, « royaume de partout et nulle part », pour le dire comme Merleau-Ponty, est à la fois monde intellectuel et empyrée invisible, sphère céleste où résident les dieux. Paraphrasant Kant, on peut dire que la philosophie descend du ciel sur la terre où elle s’éprouve comme incarnée dans l’Humain.
Gérard Leroy, le 3 mars 2023