Une génération sépare Cyprien de Tertullien. Cyprien vient d’une bonne famille, qui l’a envoyé se former dans les bonnes écoles à la littérature et, comme il est de coutume dans les bonnes familles, à la rhétorique. Il enseigne avec bonheur. Et voilà qu’en 247 Cyprien se convertit. Il est alors âgé d’environ quarante ans. 

 

Il commence alors par lire la Bible, sur le conseil d’un prêtre. C’est ce qu’il confie dans une lettre à un certain Donat. Sa lecture l’amène à considérer l’Église comme le véritable Israël. Il s’appuie sur certains textes bibliques pour sa catéchèse et dans la controverse avec les juifs. Tout va ensuite très vite : il distribue ses biens aux pauvres, est ordonné prêtre puis est nommé évêque de sa bonne ville de Carthage, en dépit d’une sérieuse opposition. On est en 249.

 

L’homme est clairvoyant, dit-on, sa passion de l’Église et son autorité en font un chef tout naturel de la contrée qui lui est confiée. Il s’attache à y remettre de l’ordre, tant la moralité se délite. Rien n’est facile à cette époque et à cet endroit comme en tout endroit de l’empire où les persécutions sévissent, obligeant Cyprien à se cacher, sans cesser de gouverner son église et encourager sa communauté. Et par dessus le marché, la région doit encore subir les ravages de la peste !

 

Premier évêque écrivain en Occident, Cyprien rédige avec suffisamment d’élégance pour être surnommé le “Cicéron chrétien”. Son œuvre prolonge son action pastorale. Il prêche avec passion, commente l’Écriture, travaille à l’unité de l’Église qui ne peut s’envisager qu’en s’appuyant sur l’unité du corps des évêques, en union avec le corps apostolique. Ceci ne va pas à l’encontre d’une reconnaissance de la singularité de l’Église d’Afrique face à l’autoritarisme centralisateur. Cyprien encourage au baptême, à la pénitence et... au martyr !

 

L’Afrique se présente alors comme un terrain de divisions. Cyprien lutte évidemment, en accord avec Rome, contre tous ces courants hérétiques. Il lui faut réunir à cet effet des conciles deux fois par an à Carthage, validant, contre l’avis de Rome cette fois, le baptême dont ont été récipiendaires des hérétiques. 

 

Car le gros problème de l’époque, c’est le donatisme, né bien avant qu’il ne soit reconnu officiellement après la mort de Cyprien à la suite de la grande persécution de Dioclétien en 305. Comment se présente la chose ? Des prêtres ou des évêques sont forcés par des tortionnaires de leur livrer des objets sacrés. Cyprien lui-même a succombé. Des gens, rigoureux et radicaux, l’accusent donc d’avoir livré des livres sacrés à des païens. Ces gens, les donatistes, refuseront la validité d’un sacrement administré par ceux qui ont cédé sous la torture, que les donatistes dénoncent de se comporter comme des “ministres indignes”. Les sacrements qu’a délivrés Cyprien sont donc déclarés invalides par les donatistes. 

Quelques unes des lettres de Cyprien constituent des petits traités, comme cette lettre sur l’Eucharistie, ou sur les problèmes de la vie ecclésiale, sur la patience, la prière, etc. Cet homme fut un pasteur, une figure de l’histoire de l’Église qui lui doit beaucoup, en dépit de cet adage que les supporters du dialogue interreligieux auraient préféré voir tombé dans l’oubli : “Hors de l’Église, point de salut !”  

 

Arrêté au cours d’une relance de persécution, puis exilé en 257, Cyprien est condamné à mort et décapité en septembre 258.

 

Il fut le primat de l’Afrique. On le connaît alors comme le plus illustre des martyrs de ce continent.

 

Gérard LEROY, le 10 mai 2013