Pour Sophie Guerlin, en hommage amical
Néron, convaincu qu’un trésor l’attendait à Carthage, entreprit de relier Ostie, dont le port avait été créé par Claude, au Lac d’Avernum, au-delà de Naples (1). Le canal aurait une longueur de deux-cent-cinquante kilomètres. Or, le trésor de Carthage était virtuel. Il fallut donc trouver des fonds. Néron prit alors sur l’héritage des riches affranchis, sur les biens des personnes arbitrairement désignées, on taxa les testaments ainsi que les juristes qui les avaient rédigés, on sanctionna les gens portant des vêtements teints de pourpre, couleur réservée à l’empereur, on dépouilla les temples, on fit fondre des statues d’or et d’argent. Tout ça pour un canal qui ne verra jamais le jour.
Dans le même temps, Néron, ne négligeant pas la scène, voulut se produire aux jeux. Le Sénat tenta de l’en empêcher. En vain. Deux-cent-mille spectateurs vinrent l’applaudir. Comme il était interdit aux spectateurs de sortir du cirque pendant le spectacle, des femmes accouchaient dans les gradins, d’autres, à l’instar du général Vespasien s’évanouissaient. Néron remporta ce jour-là tous les prix.
Il ne manquait pas de fêter ses triomphes. Un soir l’empereur s’étant attardé à boire avec les vainqueurs d’une course de chars, rentra ivre. Poppée, son épouse, fut saisie de dégoût, se moqua de Néron, avec tant de mépris que l’empereur, d’un geste d’ivrogne, la frappa d’un coup-de-pied au ventre (2). Poppée mourut, d’une hémorragie, la nuit même.
Néron en fut très affecté. Trop tard. Il ordonna de l’embaumer, comme on faisait en Égypte, et prononça lui-même l’oraison funèbre au Forum.
Tandis que trente-mille personnes moururent de la peste, une révolte des juifs convainquit Néron d’envoyer le général Vespasien, réputé pour ses victoires remportées en Bretagne, en Palestine, en compagnie son fils Titus.
Tout cela ne distrayait pas Néron de sa fascination pour les tours de Simon le Magicien, que Pierre avait éloigné, qui prétendait voler, en même temps qu’il déclarait être la réincarnation de Dieu le Père ! Pas moins. Simon avait séduit de grands personnages, tel Agrippa, le petit-fils d’Hérode le Grand. Tibère avait fait jeter Simon en prison mais Caligula l’en avait libéré. Néron le fit convoquer. Et lui demanda de prouver qu’il pouvait voler. Simon confectionna une paire d’ailes, et du haut d’une plate-forme installée en haut des gradins, les ouvrit, puis s’écrasa au sol. Ensanglanté, il ne mourut pas. Honteux, il se jeta ensuite d’un toit et, cette fois, se tua.
« Ni les astrologues, ni les magiciens, déclara Néron, ne sont capables de m’apprendre ce que je désire, alors que ces misérables apôtres de Galilée veulent m’enseigner des choses qui ne m’intéressent pas. »
Aussi s’empressa-t-on de jeter Pierre en prison. Ni Marc, ni Pierre n’avaient été inquiétés jusque là. Pierre était malade. De son grabat Pierre dicta des lettres à Paul et aux chefs des Églises de Grèce et d’Orient, pour les informer des persécutions à Rome. Pierre raconta à Marc l’arrestation de Jésus, et lui avoua qu’il avait nié par trois fois le connaître. Pierre avait soixante-dix ans. Il alla se livrer aux gardes, fut conduit devant un magistrat. Deux jours plus tard, il fut pendu par les pieds dans les jardins du Vatican. Marc suivit l’exécution de loin. Puis recueillit les os et les cendres qu’il enterra dans une catacombe, dans la vallée du Vatican, pas loin du cirque. Silvanus rédigea un compte-rendu de la mort de Pierre qu’il cacha dans les catacombes, à l’extérieur de la ville.
Gérard LEROY, le 12 janvier 2019
(1) cf. Suétone, Nero Claudius Caesar, XXXI
(2) Dion Cassius, LXII : Sabina Poppaea tunc est a Nerone interfecta quam praegnantem, seu volens, seu per imprudentiam, calce insultavit. Sabina Poppée, enceinte, a été tuée par Néron volontairement ou par imprudence, à coups de pied, insultée.