Pour Maryline Lugosi, en hommage amical

   Les droits de l'homme ne sont tels, soulignait Emmanuel Lévinas, que s'ils sont d'abord les droits de l'autre homme.

Cette approche n'est possible que dans un contexte où la pensée s’élabore à travers le dialogue, qui permet de parvenir à l'indispensable conciliation de la vérité avec la justice et de la politique avec l’éthique. En d'autres termes la raison, ou l’ordre, régit une société humaine, c'est-à-dire une société d'êtres différents soit par leurs conditions sociales, soit par leurs origines, et doués de la capacité à se mouvoir dans cette situation qu’ils pensent inéluctable. Cette société doit prendre en considération les droits de l'autre homme et surtout de ceux qui sont incapables par eux-mêmes de défendre leur propres droits. Ce qui revient à dire que le devoir sacré de l'homme politique est l’intérêt pour l’autre homme accompagné de l’écoute de cet autre. Il doit en effet « se pencher continuellement, sans répit, sur les problèmes des autres », concluait Lévinas. Ce qui légitime la loi et le pouvoir du gouvernant c'est sa responsabilité pour la vie et les droits de chaque personne. Et l'unité nationale n'est possible que lorsque chaque personne est rassurée que sa vie et ses droits sont garantis par un État dont les institutions donnent la primauté à la justice .

La gouvernance d’un État s’appuie donc sur l’éthique. C’est l’éthique qui est la condition de possibilité de l’instauration d’une société authentiquement humaine. Tant que ne s’exprime pas l'intérêt pour la vie publique, il ne peut y avoir de justice. La justice est constitutive du lien social. C’est elle, selon l’expression de Catherine Chalier, « qui constitue le seul rempart contre la barbarie ».

Dans un contexte comme le nôtre, où toute opposition est généralement soumise à la répression, on s’installe précisément dans cette complaisance dans le « Même » où les chefs et les gouvernants n’ont pas de véritables collaborateurs mais plutôt des adulateurs. Ce qui empêche, par exemple, les Africains de mettre à profit le génie de leurs enfants qui se destinent à émigrer et à éclore sous d'autres cieux.

La moralité pour Lévinas, comme pour Kant, est le respect des droits de l’homme. Mais la nouveauté pour Lévinas se situe dans l'affirmation selon laquelle les droits de l’homme, répétons-le, ne sont tels que s'ils sont d'abord les droits de l'autre homme.

La justice bien ordonnée commence par autrui.

 

Gérard Leroy, le 24 novembre 2023