Pour Jean-Louis Machuron, en hommage amical

   La situation actuelle révèle des évolutions de fond dans la société américaine, qui prend en considération le libéralisme économique, l’indécence politique, l’envolée du conspirationnisme. Même le Parti Conservateur en vient à se fragmenter.

On a mené, côté républicain, une campagne offensive, qui a laissé sur le bas-côté tous ceux qui n’applaudissaient pas assez fort les harangues du tribun. Ainsi le directeur de campagne Brad Parscale a été rendu responsable d’une salle à moitié vide pour l’encensement du président. Il a été rétrogradé à un poste inférieur. Les Républicains ont martelé que Biden était en fin de course (il n’a que 4 ans de plus que Trump), qu’il serait inféodé à la gauche « bolchévique » de son parti, qu’il aurait envisagé d'importantes hausses d’impôt, et adopté des mesures favorables aux minorités, dont une amnistie générale pour les immigrés illégaux et un alignement sur les positions les plus radicales du mouvement antiraciste Black lives matter (BLM).

Le meurtre de George Floyd, en mai à Minneapolis, et les rafales de tir sur Jacob Blake, en août dans le Wisconsin, ont déclenché des séries de révoltes, tandis que D. Trump condamnait les pillages liés à ces manifestations, notamment à Kenosha ou à Portland, dans l'Oregon ; il reprenait le slogan « Law and order » (« La loi et l'ordre » qui avait été le slogan de Nixon en 1968), entraînant  ses supporters violents et incontrôlables.

Côté démocrate, une campagne unie, un programme commun, articulé autour de six thèmes : la santé, l'économie, l'éducation, le changement climatique, la réforme pénale et l'immigration. Jo Biden a choisi sa colistière : Kamala Harris, qui avait été procureure générale de Californie, entre 2011 et 2017. Son appartenance ethnique, qui fait grincer des dents les conservateurs xénophobes, est un des facteurs du résultat des élections en ayant mobilisé des électeurs d’ordinaire plus indifférents.

Fin de partie le 14 décembre. Donald Trump respectera-t-il les règles constitutionnelles ? De quelle manière quittera-t-il la Maison blanche ? Il est douteux que ce soit de bonne grâce.

Quel héritage laissera D. Trump ?

Depuis la crise financière de 2008, on assiste à l'érosion de la domination intellectuelle du libéralisme économique. À la Maison blanche, cette dégradation est confortée par le népotisme et la corruption, par la poursuite de la déréglementation dans le domaine de l'environnement, la remise en cause du libre-échange conclu par les États-Unis avec le Canada, le Mexique, la Corée du Sud, la guerre des tarifs douaniers avec la Chine et l'Europe.

La destruction des normes et la dégringolade de la dignité politique ont entraîné la déplorable dégradation du climat politique dans le pays. Le style d’une communication décomplexé, à la fois agressif, émotionnel et peu soucieux de la vérité, a fortement aggravé la situation. Or, la violence verbale du Président séduit sa base populiste avide de franchise émancipée, et pour tout dire anti-système. Le Président apparaît à beaucoup comme un individu détestable, à cause de ses outrances tant sur la dangerosité de la pandémie que sur les anciens combattants. Par dessus le marché, les théories complotistes qu’il ne dénonce pas aggravent la situation.

Le mouvement QAnon comme « théorie du complot », prétend faire la lumière totale sur tous les événements actuels. Ça ne date pas d’aujourd’hui. Ce réseau est sataniste ! Ses adeptes paradent, les tee-shirts blasonnés de la lettre « Q », dans les meetings de campagne du candidat Trump qui, à plusieurs reprises, a parlé d'eux en termes bienveillants.

On rencontre cependant des Républicains dont la trajectoire semble avoir soutenu le Président par calcul plus que par conviction. Silencieux ils ne sont pas moins ulcérés par la politique étrangère du Président, qu'ils jugent irresponsable. Le sénateur John McCain, de l’Arizona, s’y était opposé, comme l'ancien gouverneur de l'Ohio John Kasich, le sénateur de l'Utah Mitt Romney, puis le sénateur du Nebraska ; tous ces gens, frange un peu plus sage du parti républicain et qu’on qualifie de modérés, pourraient faire scission et former de nouveau un courant important.

 

gérard Leroy, le 27 novembre 2020