Pour Emma Dumont, que j'embrasse

   Le Christ témoigna aux femmes un respect qu’il convient de reconnaître. D’autant que l’histoire chrétienne, étudiée sous l’angle de l’Institution ecclésiale, montre une méfiance à l’égard des femmes qui pèse non seulement sur les femmes elles-mêmes mais de surcroît sur les décisions et les orientations qui jalonnent l’histoire. Cependant le respect que Jésus de Nazareth témoigna aux femmes a marqué l’anthropologie et la place de la femme dans les pays acquis au christianisme. Comment comprendre notre histoire présente à la lumière des relations entre Jésus et les femmes ?

En ce temps-là les hommes se regroupaient entre eux, délaissant les femmes qu’ils tenaient la plupart du temps à distance. D’ailleurs, dans les évangiles eux-mêmes, les apôtres ne parlent pas aux femmes, hormis la réponse de Pierre à la femme qui croît avoir reconnu le Galiléen au moment de l’arrestation de Jésus. Écoutons l’Ecriture qui nous rapatrie dans l’univers palestinien du temps de Jésus. Il se distingue, lui, en dialoguant avec les femmes. Il entend leurs questions, il écoute leurs réponses et souvent reconnaît en elles la force de l’Esprit.

Souvenons-nous de cette femme, dans la cohue de Capharnaüm, qui perd son sang depuis douze ans et s’approche de Jésus jusqu'à toucher son manteau. Elle est catégorisée comme intouchable. Jésus ne la réprimande pas pour je ne sais quelle impudence. « Va, lui dit Jésus, ta foi t’a sauvée ! » C’est avant tout la foi de cette femme que reconnaît le Sauveur, sa foi qui l’a emportée, jusqu’à la conduire auprès de lui, le Libérateur.

Il en va de même pas très loin du grand port de Tyr. Là, Jésus est interpellé par une Cananéenne, une païenne, syro-phénicienne. Les Cananéens sont suspects aux yeux des juifs qui cultivent une aversion séculaire envers la religion de Baal que les Cananéens pratiquent. À cause de cela elle sait la suspicion dont elle est l’objet. Elle vient cependant se jeter aux pieds de Jésus et lui demande de guérir sa fille possédée. 

« Laisse d’abord les enfants se rassasier », lui dit Jésus. Mais elle tient bon et lui réplique : « Seigneur, les petits chiens, mangent bien les miettes des petits enfants ! » Alors Jésus reconnaissant que l’Esprit l’a touchée lui dit : « À cause de cette parole, va : le démon est sorti de ta fille. » (Mc 7, 24-29).

Aux noces de Cana, Jésus semble indifférent à l’information que lui fournit sa mère lorsqu’elle lui annonce qu’, « ils n’ont plus de vin » ; mais Jésus avance l’heure du premier miracle lorsque, contre toute attente, sa mère s’en va dire aux serviteurs : « Faites ce qu’il vous dira. »

Avec les femmes comme avec les apôtres, cette reconnaissance par le Christ de l’Esprit à l’œuvre dans l’humanité intervient toujours à l’occasion de dialogues. 

Au lendemain de la mort de Lazare, c’est encore sous forme de dialogue que Jésus annonce à Marthe : « Moi, je suis la Résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » Puis il ajoute : « Crois-tu cela ? » La question autorise la négation ou le doute, puisque Lazare est mort. Or Marthe répond : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois, tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Alors seulement, Jésus ressuscite Lazare. En somme, le Christ ne reconnaît pas seulement la présence de l’Esprit chez les femmes, mais il en reconnaît la puissante efficience.

 

G.L., le 16 septembre 2019