Pour Yves et Monique Trilles, avec mon amicale gratitude 

L’Occident chrétien s’affirme au IVe siècle. L’Église de Rome se latinise et prend du relief grâce, entre autres, à Ambroise de Milan. L’osmose entre l’Orient et l’Occident, d’abord favorisée par Constantin, certes, l’est aussi par son fils, Constant, assassiné en 350, à 29 ans, sur les ordres d’un usurpateur, comme il s’en produisait beaucoup dans la région, Magnence. 

 

Tournons-nous vers Hilaire de Poitiers. Né vers 315, Hilaire est un grand défenseur de l'orthodoxie nicéenne face à l’arianisme et au sabellianisme (1). Hilaire n’a pas à combattre le pélagianisme, qui n’apparut vraiment qu’au Ve siècle, surtout en Afrique, avec ce moine philosophe anglais du IVe siècle, Pélage, qui minimisait, je le rappelle, le rôle de la grâce au profit de l’effort volontaire qui seul peut conduire au Salut (2). 

 

La théologie d’Hilaire, enrichie au contact de la théologie et de l’exégèse orientales, le place parmi les grands spécialistes. Nous avons sans doute affaire au plus grand écrivain chrétien de la Gaule de cette époque. 

 

Alors qu’il vient d’être nommé évêque vers 350, on le voit apparaître pour la première fois à un Concile tenu à Béziers, en 356, où l’on s’interroge sur l’orthodoxie d’Athanase. Hilaire le défend, au point d’ailleurs d’être appelé “l’Athanase d’Occident”. Lors de ce concile de Béziers, dominé par les ariens unis autour de Saturnin, l’évêque d’Arles, Hilaire est exclu et envoyé en exil en Phrygie (au cœur de la Turquie actuelle). Certains spécialistes pensent que c’est au cours de cet exil qu’il écrivit son œuvre majeure, Le Traité de la Trinité. Hilaire y évoque sa conversion, sa recherche philosophique et religieuse de Dieu, dont il trouve les réponses dans la Bible et dans l’Évangile, notamment celui de Jean. 

 

 

Le Traité de la Trinité, composé de douze livres, réfute systématiquement les thèses d’Arius. Hilaire y affirme que “Le Fils est éternel, parce que né d’une génération intemporelle, pour nous incompréhensible.” Il s’impose par l’originalité de sa pensée, la rigueur et la vigueur de sa dialectique. 

 

Deux autres œuvres d’Hilaire sont à noter : le Traité des Mystères, retrouvé mutilé en 1887. Ce traité a sans doute été composé pour des prêtres catéchistes, invités à une relecture de l’Ancien Testament en vue d’une interprétation des événements vétérotestamentaires à la lumière du Messie.

 

Une autre œuvre, le Commentaire des Psaumes, est une œuvre spirituelle, dans laquelle on décèle l’influence exercée par Origène. La prière des Psaumes, chez Hilaire, balise la route qui conduit à ce qu’Augustin allait appeler la Cité de Dieu. Ses commentaires relèvent de la théologie spirituelle.

 

Il reste encore un Commentaire sur Matthieu, écrit pour les prêtres, et un travail de composition en vue de réformer la liturgie en Occident. 

 

Rentré définitivement dans son diocèse, l’évêque de Poitiers consacre ses dernières années au bien spirituel de son peuple. En même temps il s’efforce de former ses Poitevins à la liturgie qu’il avait appréciée en Orient. Il aime leur faire chanter les psaumes. Il compose lui-même des hymnes, dans lesquels il pense pouvoir prémunir son troupeau contre le venin des hérésies. 

 

Hilaire meurt à Poitiers : " la sixième année après son retour d’exil ", selon Sulpice Sévère. On situe sa mort entre les années 366 et 368.

 

 

Gérard LEROY, le 16 février 2014

 

 

(1) Le Libyen Sabellius, au IIe siècle, identifiait le Père et le Fils selon que Dieu s’est manifesté comme Père dans l’Ancien Testament, comme Fils dans l’incarnation, et comme Esprit à la Pentecôte. Trois temps, trois phénomènes, trois manifestations distinctes. Le sabellianisme s’exprimera encore à la fin du IVe siècle.

 

(2) La grâce jouerait tout au plus un rôle d'adjuvant. La liberté, selon Pélage, n'ayant en rien souffert du péché d'Adam, on comprend que sa doctrine fut combattue par Augustin.