Pour Alix, Rachel Madeleine, que j’embrasse

   Tout a commencé il y a bien longtemps.

Un petit peuple d’origine crétoise débarque sur la côte méditerranéenne orientale vers le XIIe siècle avant notre ère. Il se voit repoussé vers le nord du Sinaï. Ce peuple est celui des Philistins qui s’en vont fonder les villes d’Ashkelon et d’Ashod, au cœur de cette région côtière qu’on appelle aujourd’hui « la bande de Gaza ». C’est de leur nom qu’est dérivé, sous sa forme latine, le nom de « Palestine ». La Palestine se superpose d’abord à Canaan. Du Xe siècle av. J.-C qui voit le pays s’unifier jusqu’à l’arrivée des Romains, autrement dit de Salomon jusqu’à César, Canaan et « Palestine », c’est le même territoire, que les Romains entendent comme l’étendue comprise entre la Mer Méditerranée et le Jourdain.

C'est à partir du IXe av. J.-C seulement, sous l'hégémonie des Assyriens, qu'est attestée l’existence d'un état dénommé « Israël », dont l’étymologie signifie « en face de Dieu », et qui se situe dans les régions montagneuses du centre de la Palestine. Cet état passe aux mains des Assyriens en 722 av. J.-C, après la chute de Samarie, sous les assauts du roi Sargon II. Colonisés par Sargon II, mêlés à l’étranger venus occuper cette province assyrienne, les autochtones intègrent sans difficulté leur nouveau statut sans que leur culture propre soit altérée. S’établit donc une continuité. Quoi qu'il en fût des déportations ou autres mouvements de populations, les dix tribus d'Israël du Nord —rapportées exclusivement par la Bible, pas dans l’histoire—, disparurent.

Pour le récit biblique, l'authentique et vrai Israël consiste dans le royaume méridional de Yehûdâh, autrement dit Juda, avec Jérusalem comme capitale depuis que le roi David l’a substituée à Hébron, environ 1000 ans avant J.-C. Israël aurait donc été la dénomination de ce peuple du nord, de Tyr à la Mer morte, le nom de Juda étant réservé au territoire du sud à l’ouest de la Mer morte. Les gens du Nord adhèrent moins à la foi juive qu’au paganisme influencé par la présence étrangère. Plus encore que les Iduméens, au sud de la Mer morte, les Samaritains, résidant au sud de la Galilée, sont carrément considérés par les Judéens comme hérétiques. Jugés infidèles, ces gens déconsidérés auraient été séparés du reste au cours d’un schisme du Xe siècle av. J.-C. dont ni l'archéologie ni les témoins extérieurs à la Bible, ne rendent compte.

L’historien André Paul déclare qu’on ignore tout de la vérité des royaumes de David et de Salomon, a fortiori d'un quelconque empire constitué par ces royaumes. Les documents assyriens et babyloniens ne mentionnent Yehûdâh que vers 744 av. J.-C., à la veille de la chute de Samarie. Il semble qu'une entité politique de ce nom se présentât comme une sorte d'État secondaire, mis en place par les Assyriens en vue de faciliter l'industrie de l’huile d’olive.

Au retour massif, en 538 av. J.-C., des juifs exilés à Babylone, ce nom d’Israël désigne à la fois la partie nord, mais aussi Juda, Yehûdin au Ve siècle, avec sa capitale Jérusalem, Moab à l’est de la Mer morte, Edom au sud de la Mer. À ce nom d’Israël vient s’adjoindre celui de « juif », désignant un peuple qui englobe alors les héritiers de la Promesse. On appelle judaïsme le milieu juif, au sens religieux et culturel, qui correspond à cette période post-exilique, caractérisée par la résistance, souvent vaine, opposée aux autres nations qui veulent soumettre Israël, soit les Perses, Alexandre le Grand à partir de 332 av. J.-C., puis les Séleucides.

Convenons qu’il est difficile de trouver dans l'histoire le moindre lien ethnique, à plus forte raison politique, entre l’État véritable d’Israël contemporain de l'empire assyrien et l’Israël d’aujourd’hui. La relation de continuité tient exclusivement de l'identité du nom : elle est purement formelle.

 

Gérard Leroy, le 13 décembre 2023