Pour Guy et Marie-Claude Arsac, en hommage amical

   Dans la résurrection de Jésus, il y a à considérer le fait et le sens. Nous nous trouvons devant un cas particulier où se joignent fait et mystère. Le fait est constaté, rapporté, conformément à l’anthropologie juive de l’époque : le corps de Jésus n’est plus mort. 

L’histoire de Jésus de Nazareth, du seul point de vue humain, s’arrête à sa mort. La Résurrection —fait et sens— est l’événement à la frontière de l’histoire et de l’éternité. 

Les disciples éprouvaient toutes les difficultés à faire admette la singularité de la nouvelle qu’ils annonçaient. Le défi à relever, en effet, allait être d’annoncer ce qu’ils avaient vu et entendu, i.e. de témoigner de la vie, de la mort, et de la résurrection de Jésus. Cependant, si difficile qu’apparut leur tâche —et que sans aucun doute elle le fût— les apôtres n’ont pas douté de sa nécessité.

La première lettre de Paul aux Thessaloniciens, écrite probablement à l'automne 50, reflète bien les formulations des premières communautés chrétiennes. Jésus mourut et "se leva", dit Paul au chapitre IV. Le grec n’a pas d’autre mot que le verbe « se lever », anistèmi, pour dire “ressusciter”. Au cours des quarante jours qui suivirent sa Résurrection, Jésus est “apparu” (gr: ophté, i.e. : « il se laisse voir »). « Il a été vu, ajoute Paul, de Képhas et ensuite des douze ». Ces affirmations sont centrales.

L’événement s’est déroulé dans l’espace et le temps, sub Pontio Pilato, autrement dit dans l’histoire. La Résurrection, historique, est révélée par des témoignages, celui des femmes (les premiers témoins), des disciples, des pèlerins d'Emmaüs, de Paul enfin. La Résurrection, historique, envoie en mission ces mêmes témoins, les femmes, les disciples, Paul. La Résurrection, historique, si invraisemblable qu’elle apparaisse, est le fondement de la foi des chrétiens, qu’ils célèbrent plus qu’en tout autre temps, à Pâques.

L’historien, en regard de cet événement, bute contre un événement historique qui le provoque, il est sollicité par le témoignage des apôtres sur leur expérience de rencontre. En fait tout homme confronté à ce texte rapportant la Résurrection de Jésus se trouve mis en cause par ce texte. Il ne peut se satisfaire de s’en tenir à une opinion, paresseusement dubitative. Il convoque le courage de se laisser interpeller par le témoignage apostolique.

Cependant, les récits historiques, passés au crible de la critique textuelle, permettent d’accéder à une vérité signifiante encore plus importante que le support historique ne le laisse envisager. La vérité de la foi se situe au-delà d’un simple point de vue scientifique.

La Résurrection de Jésus nous plonge dans une autre perspective : celle de la résurrection générale à la fin des temps. C’est ce qui fait dire à Paul que nous sommes déjà ressuscités. Pour tout chrétien, le message pascal est en contact avec un Vivant, qui est là, présent, dans la totalité de son être, pleinement réel et corporel, même si ses conditions ne sont plus les mêmes qu’auparavant . Tout le vécu humain trouve dans l'Évangile, dont le centre est la Résurrection, son centre d'universelle ré-interprétation. Pour les premières communautés chrétiennes ce ne sera plus après comme avant. 

Les participants à l’eucharistie deviennent contemporains et bénéficiaires de cet Événement. Dès lors, de tous temps, de toutes générations, de toutes les couleurs dont l’histoire nous habille, chacun doit se considérer comme si lui-même avait été libéré, comme si lui-même était sorti d’Égypte, désentravé. La sortie d’Égypte est comme le symbole, le paradigme de toutes les libérations. Tout cela « à cause de ce que l’Éternel a fait pour moi quand je suis sorti d’Égypte », dit la Mishna.

 

Gérard LEROY, 24 avril 2018,