Première des quatre parties de l'exposé de G. Leroy aux ACI du diocèse de Carcassonne lors de leur assemblée générale du 13/10/18 à Saint-Matthieu de Tréviers.
Ce texte, bref, bien dans le style du pape, est un appel à la sainteté, au monde et dans un monde que le pape observe. Ce texte a donc une valeur pastorale.
Qui est appelé à la sainteté ? Tous. « Le Seigneur adresse à chacun d’entre nous, cet appel qu’il t’adresse à toi aussi » (§ 10). Comment y répondons-nous ? Par de petits gestes quotidiens. « Ce qui importe, c’est que chaque croyant discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de lui-même, ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf. 1Co 12, 7) et qu’il ne s’épuise pas en cherchant à imiter quelque chose qui n’a pas été pensé pour lui » (§ 11 ; § 16).
« À quoi est-on appelé ? », « Est-on appelé, par qui et pour quoi faire ? » Si l’on veut bien s’accorder sur ce que signifie en filigrane la question, c’est de l’appel que nous envoie le Seigneur Dieu auquel il s’agit de réfléchir puis de témoigner.
La réception de l’appel dépend évidemment du degré de surdité. En revanche, vous avez des gens qui prennent tout ce qui leur arrive pour des voix qui leur sont envoyées, une symphonie d’oracles qui frise la cacophonie. En revanche, c’est dans le rétroviseur que nous sommes le plus à même de repérer le moment crucial de notre existence où notre vie s’est orientée, puis engagée. L’existence, au miroir de la réflexion, est juge de l’authenticité de ce qui est identifiable à un appel.
Le § 170 de la lettre, invite au nécessaire discernement auquel est attaché le pape, qui appelle à la raison et la prudence. Il s’agit d’entrevoir le mystère du projet unique que Dieu a pour chacun d’entre nous. Un proverbe arabe invite chacun à accrocher sa charrue à son étoile. Le pape ne convie à rien d’autre. Il arrive cependant que l’arrimage s’effectue sans l’avoir décidé. À quoi suis-je appelé aujourd’hui ? J’ignore. À quoi ai-je été appelé ? À cette question je peux répondre, a posteriori, aujourd’hui.
« Laissons-nous transformer », écrit François au § 24.
Comme tout être humain, on n’est pas figé dans tel ou tel mode d’être. L’être humain a la capacité de se dépasser sans cesse. Nous sommes par delà ce que nous sommes. Nous avons à être (l’humain a à être), dans un champ infini de possibles. Heidegger définissait l’homme comme “cet être pour lequel, au-dedans de lui même, il y va de son être même” . « Laisse-toi transformer, dit François, laisse-toi renouveler par l’Esprit pour que cela soit possible » (§ 24). Mais des obstacles se dressent.
« (Aujourd’hui ) (…) les innombrables offres de consommation, ne laissent parfois aucun espace libre où la voix de Dieu puisse résonner. Tout se remplit de paroles, de jouissances (…), de bruit. (…) Comment donc ne pas reconnaître que nous avons besoin d’arrêter cette course fébrile pour retrouver un espace personnel » (§ 29). Cette situation est née avec l’avènement de la civilisation des loisirs, marqué par l’éclosion d’une société boulimique qui éprouve de moins en moins le désir patient d’être et qui manifeste de plus en plus le besoin impatient d’avoir, de consommer et de jouir.
Aujourd’hui le consumérisme nous emporte ; notre liberté est sollicitée par une foule de stimuli, utiles ou futiles, qui encombrent la vie quotidienne ; notre liberté s’y épuise et il lui reste parfois peu d'énergie pour se confronter à des questions essentielles, que nous partageons, et qui touchent au devenir humain, à la justice, à la paix, au sens de la vie et de la mort, au mystère de Dieu.
Cette société exprime néanmoins l’incomplétude de l’homme en quête d’un idéal, en quête d’un vouloir-être par-delà son immédiateté quotidienne, d’un vouloir-être esquissant une tentative de compréhension de l’homme comme histoire, en voie de salut.
L'homme est libre. Qu’est-ce à dire ? Je propose de comprendre la liberté comme la capacité qu’a l’homme de s'interroger, de se questionner, d’entrer en histoire personnelle, de formuler un projet, de mêler son histoire à l’histoire de son temps.
C’est bien ce que saint Paul signifiait aux Corinthiens, les appelant à devenir « ce que vous êtes, i.e. du pain sans levain, vous qui êtes sans levain. » i.e. : « Devenez ce que vous êtes, chrétiens, par votre identification au Christ par le baptême ». (1 Co 5, 6-8). « Ton identification avec le Christ, dit François, implique l’engagement à construire, en partenariat avec lui, un monde d’amour, de justice et de paix » (§ 25).
Le sacrement de baptême n’y suffit pas, la liberté qui nous est donnée est requise pour advenir ce que nous sommes. Mais, « dans la mesure où il se sanctifie, chaque chrétien devient plus fécond pour le monde » (§ 33).
La lettre de François est un vrai petit Traité de vie spirituelle, qui nous aide, parents, hommes, femmes jeunes et vieux… à vivre l’Evangile au quotidien (cf § 16). Le Pape François veut faire résonner en nous de manière forte l’appel à la sainteté car « la sainteté est le chemin de vie et de bonheur que le Seigneur veut nous offrir » écrit-il dès le commencement de sa lettre.
Le pape invite à avancer, à affronter la complexité du monde présent, avec ses défis.
Gérard LEROY, le 15 octobre 2018