Au Frère Charles, en hommage amical

   La théologie universitaire fut autrefois une affaire de clercs. La théologie au temps des Pères de l’Église, était principalement exercée par les évêques, à l’exemple des Cappadociens  Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze ou de l’Égyptien Athanase, d’Alexandrie. L’exclusion des laïcs de la théologie coïncide avec une prise de contrôle cléricale sur le savoir scientifique, notamment par le biais de la création des universités médiévales. Elle correspond également à l’instauration d’une hiérarchie : évêques, théologiens et laïcs nobles (la masse des fidèles étant écartée). Ainsi que le montrent les conciles auxquels sont convoqués évêques, experts théologiens et canonistes et représentants – nobles – des puissances temporelles chrétiennes.

La théologie coïncidait avec un âge où présidait une dichotomie entre l’« Église enseignante » des clercs et l’« Église enseignée » des laïcs, réduits à la passivité, dichotomie dénoncée par des théologiens eux-mêmes et par le pape François. On note depuis les années 70 la présence croissante de laïcs, hommes et femmes, dans les facultés de théologie.

Au lendemain des événements de mai 1968, une remise en question de la société, de la culture, a conduit le recteur de l'Institut catholique de Paris à créer, dans le cadre de la Faculté de théologie, un parcours qui puisse être adapté aux laïcs. Avec le P. Liégé, dominicain, doyen de la Faculté de théologie, le P. Coudreau s’y attelle et propose aux laïcs des études qui ne soient pas des études aux rabais, mais bien au contraire que soient maintenues les exigences universitaires assurant l'intelligence de la foi au meilleur niveau, un travail de réflexion et une densité de travail en qualité et en quantité.

Quelle mission pour les laïcs théologiens dans une Église synodale ?

La théologie doit être ouverte au monde, aux questions contemporaines, s'enrichir des apports des sciences humaines, et demeurer enracinée dans la tradition vivante de l'expérience d'une foi vécue et féconde.

L’Église est appelée à être en dialogue avec le monde, les laïcs ayant dans cette mission une responsabilité particulière par leur insertion dans le monde. C’est ainsi que la vocation des laïcs en théologie est à penser en termes de proximité, de compétence, de professionnalisme et de liberté.

On peut noter que cette ouverture de la théologie aux laïcs coïncide avec un grand intérêt du peuple chrétien pour les débats théologiques qu’ils soient relatifs à la Trinité ou à la personne et à la nature du Fils.

Les dérives sont possibles. L’émergence de la théologie comme science a pour corollaire une conception cléricale et élitaire dont l’Église d’aujourd’hui est hélas héritière quand elle s’appuie sur une conception monarchique, identifiée par Yves Congar à une « hiérarchologie (1) ».

La « coresponsabilité » des laïcs dans l’Église revient sur le devant de la scène. Leur engagement croissant en théologie s’est renforcée avec le concile Vatican II. La participation de laïcs théologiens demeurait alors un impensé, par manque de laïcs présents en théologie.

La constitution pastorale Gaudium et spes, sur « l’Église dans le monde d’aujourd’hui », exprime le vœu que « de nombreux laïcs reçoivent une formation suffisante, et que plusieurs parmi eux se livrent à ces études ex professo et les approfondissent » (GS 62, § 7). Les théologiens laïcs sont désormais susceptibles d’être aux avant-postes du dialogue de l’Église avec le monde.

La question de l’engagement des laïcs en théologie est solidaire d’une certaine conception de l’Église, d’importance cruciale dans le cadre d’une Église en dialogue avec le monde et, donc, promouvant également le dialogue en son sein, entre tous ses membres. La contribution des femmes théologiennes représente ici un enjeu décisif. Il reste toutefois du chemin à faire pour que cette implication soit effective, en particulier dans les instances décisionnelles.

 

Gérard Leroy, le 21 octobre 2022

(1) Yves Congar, Vraie et fausse réforme dans l’Église, Cerf, 1950.