Pour Anita de Saint-Exupéry, en signe d'amitié

   Ce serait vers 419 qu’Augustin aurait achevé d’écrire La Trinité, où se révèle sa méthode : c’est d’abord ce qui est à croire qui est à comprendre si l’on veut comprendre. Le champ du croire précède le comprendre qui est comme une récompense de la foi. Il y a là un désir de mobiliser l’intelligence au service d’une pénétration du mystère de la foi.

Dieu présent à l’âme comme un “maître intérieur” donne à l’homme de découvrir la vérité de son créateur. Fort de la connaissance des Écritures Augustin élabore (1) une élucidation de la Trinité avec un esprit spéculatif original. On se souvient que le développement de la christologie aux conciles récents de Nicée et de Constantinople, s’était fondé contre la gnose et l’arianisme et les négateurs de la divinité du Christ. Augustin ne fait pas partir son raisonnement des personnes divines sur lesquelles portait l’hérésie d’Arius, mais de la nature divine de laquelle découle l’aspect des personnes.

Il s’emploie à comparer les rapports des personnes divines entre elles avec les activités de l’âme humaine. Les deux mouvements essentiels de l’âme humaine —l’intelligence et l’amour— portent sur des objets déterminés (“je connais cela", "j’aime celui-ci ou celle-là"). L’intelligence parfaite de l’Être suprême, c’est une personne qui l’a : le Fils, le Verbe. Et l’amour qui lie l’Être suprême au Verbe qui en a l’intelligence est une personne, la troisième en Dieu : c’est le Saint-Esprit.

Jamais, jusqu’alors, l’affirmation de Dieu comme Esprit n’avait supporté une telle entreprise d’explication. Toute cette théologie résulte d’une transposition d’analyses philosophiques de la vérité, de la mémoire et de l’esprit. Augustin s’offre même le luxe de décliner à volonté les catégories ternaires de la création, jusque dans nos fonctionnements sociaux.

Quelques quinze siècles plus tard Hegel prétendra que tout dans le monde est fondé et s’explique par la dialectique. Il n’y a pas plus trinitaire !

 

Gérard LEROY,  le 6 août 2011

  1. cf. De Trinitate.