Pour ma sœur, Suzanne Zahredine,
Un article du journal "Le Monde ", rapportait il y a peu, la volonté du gouvernement syrien de forcer la population à choisir entre l’abandon de leurs aspirations à la liberté et la repression, violente.
Il semblait à l’auteur qu’il allait être facile pour le gouvernement de prétendre que les demandes d’instauration de la démocratie ne reflètent pas autre chose qu'un soulèvement confessionnel. Et que ce gouvernement justifierait la repression par la nécessité de protéger l'unité nationale, contre les manifestants.
Le gouvernement syrien s'appuie sur son rôle de champion de la résistance arabe contre Israël. L’aspiration au changement présente le risque d’entraîner l’effondrement de l'union sacrée des pays arabes, née de la volonté de se renforcer vis à vis d’Israël.
C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’a été crée le parti Baas en 1947, à Damas, se donnant de construire l'unification de tous les Etats arabes rassemblés en une seule grande nation. La doctrine Baas, influencée soulignons-le, par le personnalisme chrétien d’Emmanuel Mounier, combine nationalisme arabe et socialisme opposé au marxisme. La laïcité est un autre élément fondamental de la doctrine Baas. De sorte que, quand bien même l'Islam reste majoritaire dans le développement de la nation arabe, seul un État laïque peut être en mesure de consolider toutes les nations d'une Union arabe. Et ceci parce que ces nations sont profondément divisées sur le plan religieux.
Les voisins de la Syrie, comme l'Iran, sont assez inquiets devant les revendications démocratiques du peuple syrien, parce que celles-ci remettent en question leur système théocratique. Ces pays tenteraient plutôt de réactiver cette «union sacrée » en vue de renforcer leur théocratie. N’oublions pas qu”en Iran la famille Assad appartient à la branche alaouite du chi'isme, composante à hauteur de 10% de la population syrienne.
La Syrie, un des berceaux de l’humanité
Les Occidentaux lorgnent volontiers vers les Baléares ou les Maldives, hélas indifférents à une contrée qui lui confère d’être, à maints égards, l’un des berceaux de l’humanité, prenant sa source à la période akkadienne, dès le troisième millénaire av. J.C. Abraham traversa la Syrie pour s'arrêter en Canaan, avant qu’à l’âge du Bronze récent, les “peuples de la Mer” s’y établissent, et que les Assyriens étendent leur domination au VIIe siècle av. J.C.
Trois siècles après qu’Alexandre le Grand étendit ses conquêtes jusqu’en Syrie, Saint Paul, à Damas, se convertissait au christianisme.
Au début de l’époque byzantine, en 395, le partage des empires d’Orient et d’Occident, selon un axe sud-nord qui épouse le 20è méridien, rattacha Damas à Constantinople, avant que la capitale syrienne n’accède au rang de première capitale de l’islam sous la dynastie omeyyade, de 661 à 750.
Saladin, artisan de la reconquête de Jérusalem à la fin du XIIe siècle, fut maître de la Syrie avant que ne lui succèdent les Ottomans.
À la faveur de son indépendance en 1946, la Syrie, sous mandat français depuis 1922, portait le parti Baas au pouvoir en 1963.
La Syrie du point de vue religieux, hier et aujourdhui
Les chrétiens sont en Syrie depuis l’aube du christianisme (cf. Ac 2, 11). Leur épanouissement, au côté des Kabyles, marque le IIe siècle, grande période de construction de monastères tout au long des routes qui mènent à Damas. Les archevêques arabes, très actifs, participent aux Conciles de Nicée en 325 et de Chalcédoine en 451.
Mais la population chrétienne commence à diminuer à partir de l’expansion de l’islam au VIIe siècle, désignant alors Damas comme capitale où siège la dynastie omeyyade.
Actuellement les chrétiens ne sont plus que 5 à 8% d’une population qui compte 22 000 000 de Syriens.
Protégés par le pouvoir alaouite, et craignant un avenir qui les fragilise à la façon des coptes d’Egypte, les chrétiens de Syrie soutiennent, pour la plupart, le pouvoir en place qui les a clairement mis devant l’alternative : ou bien se ranger au côte de ceux qui les ont toujours soutenus et protégés, ou alors s’abandonner aux Frères musulmans. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner la suite.
Le paysage chrétien de la Syrie d’aujourd’hui présente deux grandes Églises : l’orthodoxe et la catholique.
Du côté orthodoxe se rangent l’Église grecque, majoritaire en Syrie, puis l’Église syriaque othodoxe, enfin l’Église arménienne.
Du côté catholique se retrouvent les Melkites, fidèles au Concile de Chalcédoine mais séparés de l’Occident après le schisme de Michel Cérulaire en 1054, ralliés depuis à Rome sous le nom de Melkites grecs catholiques; dans la même Église catholique on trouve les Syriaques, les Arméniens, les Maronites qui sont aussi au Liban, à Chypre et en Égypte, les Chaldéens, issus de la réunion avec Rome des nestoriens au XVIe siècle et dont le patriarcat fut définitivement constitué en 1830 sous le titre de patriarcat de Babylone, et enfin les latins.
On trouve aussi des protestants évangéliques et baptistes.
Les relations actuelles des musulmans avec les chrétiens s’établissent sous le signe du respect mutuel. Dans la vie courante, d’une manière générale, l’amitié qu’entretiennent les chrétiens et les musulmans écarte tout problème, de sorte qu’il n’y a pas à s’étonner du nombre de mariages mixtes. D’ailleurs, à ce sujet, le Coran n’interdit pas à une musulmane d’épouser un chrétien. La règle relève moins du Coran que de la tradition, de la sunna, selon laquelle un homme peut épouser une fille des “gens du Livre”, autrement dit un juif ou un chrétien, sans qu’elle ait à se convertir; mais en revanche la tradition interdit à une musulmane d’épouser un non-musulman qui refuserait de se convertir. Rien que de très logique puisqu'en islam c’est par le père que se transmet la religion.
Les relations paraissent moins aimables entre orthodoxes et catholiques ! Rappelons en effet le refus qu’a opposé le patriarche aux jeunes orthodoxes de participer à la rencontre du pape Jean-Paul II avec les jeunes chrétiens lors de la visite du pape en Syrie.
L’Église catholique accuse aujourd’hui une diminution du nombre de ses séminaristes dont le niveau de formation faiblit. À cela il faut ajouter que le clergé, pour une grande part assez attardé, et par crainte de voir piétiner son autorité qu’il maintient jalousement, refuse la collaboration avec les laïcs qui finissent par quitter les bancs de l’église, même s’ils n’abandonnent pas leur foi.
Qu’en sera-t-il de cet équilibre précaire, à équidistance de la démocratie et de la dictature, quand le pays devra se courber sous la bannière des Frères peu fraternels, musulmans pour la circonstance plus que par croyance.
Gérard LEROY
Le 15 mai 2011