Pour Bertrand

Tandis que la campagne pour les primaires américaines battait son plein, la revue anglaise The Economist consacrait un numéro spécial sur la religion et les politiques aux USA, sous le titre “The new wars of religion”, suite à un précédent numéro qui avait présenté les problèmes qu’ont B. Obama et J. Mc Cain avec la religion.

 Il ne s’agit pas ici de proposer une synthèse de ces articles, très documentés, mais de relever quelques éléments instructifs.

 On y apprend, pêle-mêle, que 70 % des américains attendent d’ordinaire de leurs candidats la démonstration de leur ferveur religieuse, qu’Hillary Clinton a déclaré qu’elle était une “pieuse personne” (praying person) qui avait un moment envisagé de devenir pasteur méthodiste, que Barak Obama —“soupçonné” par beaucoup d’avoir hérité de ses aïeux la foi musulmane— avait embrassé la religion d’Abraham Lincoln et de Martin Luther King en s’engageant en faveur des réformes sociales. Quant à John Mc Cain, celui-ci se soumit jadis à la version du droit de Jeremiah Wright adhérant à la croyance dans le retour de l’Antéchrist sur terre matérialisé par la violence des juifs homosexuels !

L’aspect moralisateur, à la fois simpliste et intransigeant, est caractéristique du fondamentalisme religieux américain.

Dans les années 70, les protestants évangéliques, qui depuis toujours s’étaient tenu à l’écart de la scène politique, se contentant de défiler dans la rue pour empêcher les super marchés de vendre de l’alcool le dimanche après-midi, ou de rédiger des pétitions pour qu’on cesse d’enseigner dans les écoles les théories de l’évolution, les protestants évangéliques sont entrés d’une façon brutale sur le terrain du politique pour participer et assurer la seconde réélection de Ronald Reagan (1984), à travers des mouvements comme la Moral maturity, ou la Christian coalition qu’on a vu par la suite en faveur de Bill Clinton. Il est clair qu’ici on n’est plus devant du religieux privatisé.

C’est au Texas qu’on trouve le plus de fondamentalistes chrétiens, bien représentés par la Southern Baptist Convention, qui ne compte pas moins de seize millions de membres. Le quart de la population française ! Ces gens, marqués par la double culture baptiste et sudiste s'affirment comme des va-t-en-guerre contre tous ceux qui sont dans l’erreur de ne pas les suivre ! On retrouve chez les fondamentalistes purs et durs la même structure psychanalytique que chez les fanatiques. Pas de discussion possible avec ces gens. N’allez pas leur proposer le dialogue interreligieux, ils vous chasseraient.

Ne craignant pas le ridicule, à l’occasion de l’intronisation pour un deuxième mandat du Président Reagan en présence de personnalités juives, le président de cette tristement célèbre Southern Baptist Convention avait déclaré, en pleine assemblée publique, que “Dieu n’entend pas la prière des juifs”.

Et pourtant ils sont sionistes ! Paradoxal, non ? Mais pas sans explication. Il faut se souvenir en effet d’une croyance fondamentale qui ne les excuse pas, bien au contraire. La SBC développe, plus fort encore aujourd'hui, le thème de la fin de l’histoire, rejoignant ainsi les thèmes développés autour de l’An Mil à partir d’une lecture de l’apocalypse de Jean, annonçant la fin des temps inaugurée par le retour du Christ. Mais avant que Celui-ci ne revienne, l'humanité, en tout ou partie, subira les pires catastrophes de son histoire. On guette donc tous les signes de cataclysmes qui pourraient l’annoncer. Et le signe indubitable de la fin des temps c’est d’abord l’arrivée de l’Antéchrist, évoquée par le Nouveau Testament.

À l’arrivée de l’Antéchrist, des forces hostiles à Dieu s’opposeront à l’établissement du royaume du Christ (1). Qu’on se rassure: l’Antéchrist sera vaincu au dernier jour ! (2) L’histoire ne devient comprise que comme un combat entre le Christ et l’Antéchrist (3). Et selon l’eschatologie de ces baptistes, Israël doit survivre jusqu’à cette apocalypse qui l’exterminera. Pour cela il faut qu’Israël parvienne aux derniers jours. Voilà pourquoi la SBC soutient les juifs et soutient par exemple le programme israélien d’implantations de colonies juives ! L’histoire ne devient comprise que comme un combat entre le Christ et l’Antéchrist.

L’ouvrage d’un américain sur ce sujet publié en 1981, The Late Great Planet Earth, en était à sa 36ème édition dix ans après sa parution ! Pas moins de quinze millions d’exemplaires étaient déjà en circulation en 1992. On imagine la réponse massive qu’apporte ce livre aux questions angoissées des américains après l’attentat du 11 septembre 2001 !

Ce sentiment universel apocalyptique n’a cessé de se renforcer depuis. Les américains sont déroutés par la situation actuelle complexe, qui mine la belle confiance qu’ils affichaient jusqu'alors.

 

Gérard LEROY, le 13 août 2008

 

  • (1) cf. Ez 38-39; 2 Th 2, 3-12; Ap. 13; 1 Jn 2, 18-22; 4, 3; 2 Jn 7.
  • (2) cf. 2 Th 2, 8.
  • (3) L’Antéchrist dans le Nouveau Testament. agit par des intermédiaires; cf. 2 Th 2, 3-12, Ap. 13. Cette “force” permet de désigner les hommes qui s’opposent à l’établissement du royaume du Christ;. 1 Jn 2, 18-22; 4, 3; 2 Jn 7.