Pour Fr. François Bustillo, cet amical écho

   On a vu récemment sur le plateau de Canal Plus d’ardents défenseurs du mariage homosexuel qu’écoutait poliment Jean d’Ormesson. Michel Denisot, s’adressant à l’académicien pour quérir son avis sur le sujet, s’entendit répondre par l’écrivain souriant : “J’aime tellement les homosexuels que je voudrais leur éviter de se marier !

Rappelons qu’en 2010 on a compté 46,2% de couples divorcés et que le nombre croît toujours. Il semble qu’en France on adopte peu à peu l’expérience des Iraniens qui procèdent au mariage à l’essai. Un CDD en quelque sorte !

Pourquoi les homosexuels veulent-ils se marier ? Les discriminations dont ils ont été victimes, et qu’ils subissent encore même d’une manière moins agressive, expliquent leurs revendications du moment, ainsi que l’écoute favorable qu’ils reçoivent.

Le mariage, tout comme la filiation qu’il a vocation d’engendrer n’est pas réellement défini, et les textes qui l’évoquent, tels que la Convention européenne des Droits de l’homme, ne le définissent pas non plus. Le mariage relèverait donc plutôt de l’évidence. On reconnaît cependant que le mariage a pour fonction première d’organiser la filiation. On accorde alors la présomption de paternité à celui qui déclare être le père dans le cadre du mariage. Depuis peu, cette paternité peut être contestée si l’enfant demande qu’elle soit vérifiée par l’intermédiaire d’un test ADN.

En contexte catholique, le mariage signifie le sacrement de l’union que se donnent un homme et une femme pour former une communauté corporelle et spirituelle durable. Opérée par Dieu, cette union est indissoluble (cf. Mt 10, 6-9; 19, 4ss). On trouve la signification du mariage dans la comparaison avec les épousailles du Christ avec l’Église.

Mais d’un point de vue plus large, si le parlement français vote la loi en faveur du mariage homosexuel, préparons-nous alors à un bouleversement radical de notre société humaine. Non pas tant à cause de l’union de deux êtres qui s’aiment —après tout de quel mal peut-on les accuser ?— mais à cause des conséquences d’une volonté bien naturelle de fonder une famille.

Comment vont-ils pouvoir s’y prendre et quels sont les enjeux liés à ce projet ?

Le thème du “mariage pour tous” est avancé. Tout le Code civil à ce propos est alors à réviser, pour relever l’interdiction du mariage entre mineurs, entre membres d’une même famille etc.

Le droit du mariage concerne le couple, certes, mais aussi et surtout les enfants dont le couple aura la charge. L’enfant biologique de l’un des deux parents homosexuels ne peut, par définition, être l’enfant biologique de l’autre. Ainsi le mariage de personnes de même sexe s’écarte-t-il de sa fonction première qui consiste, juridiquement, à organiser la filiation. Le mariage est alors revendiqué comme l’acte symbolisant et attestant l’amour que se portent deux êtres.

Toute personne est issue d’un homme et d’une femme, de la fusion amoureuse de ces deux êtres ou encore, depuis peu, de la fusion de leurs gamètes sans qu’il y ait rapport sexuel. Les règles actuelles de filiation se fondent sur cette réalité humaine de tout temps. Aussi le lien établi entre les générations serait bouleversé par l’adoption d’un enfant par deux êtres de même sexe. Quel lien, en effet, peut être envisagé entre un enfant et la conjointe ou le conjoint de son parent biologique ? On ne peut reconnaître une quelconque présomption de parenté au sein des couples homosexuels. La filiation fondée sur l’engendrement biologique est de fait exclue et la filiation se fonde alors sur la décision volontaire. Or, si le lien biologique, irréversible, est par essence établi pour toujours, il n’en est pas de même du lien établi sur la volonté, laquelle peut à tout moment se dédire. Les enfants d’un couple hétérosexuel qui divorce restent affiliés à leurs parents.

Les enfants d’un couple homosexuel restent affiliés au parent biologique. Qu’advient-il de l’enfant si le parent social (le conjoint ou la conjointe du parent biologique) démissionne de son devoir de participer à la tâche d’élever l’enfant à laquelle il s’était engagé au moment de l’adoption ? Ce type de filiation “à demi” ne rassure pas. La filiation qui découle du mariage homosexuel pose un véritable défi en ce qui concerne la liberté de l’enfant.

L’enfant est un sujet, pas un objet, quand bien même reconnaît-on que l’absence d’un enfant peut avoir un caractère traumatisant pour les personnes qui ont un projet parental fort. Ce sujet a vocation à être nourri au sens propre comme au sens figuré, aidé, accompagné, en somme élevé par ses parents. Ce droit de l’enfant est élémentaire. Aussi doit-on se préoccuper, exiger même, que les couples homosexuels vérifient et justifient que leur projet parental ait la précellence, et qu’il ne relève pas d’un désir fugace, éphémère, fragile, faisant fi ou les rangeant à un second plan les besoins et les droits de l’enfant.

Si la loi en faveur du mariage des homosexuels est votée, le parent social pourra adopter l’enfant de son conjoint. Si l’enfant est né grâce à l’insémination artificielle d’un sperme de donneur inconnu, le couple sera composé des deux parents qu’aura cet enfant, qui disposeront des mêmes prérogatives.

La législation française n’accorde pas aux femmes célibataires ou non conjointes sous quelle que forme que ce soit, de recourir à l’aide médicale à la procréation (AMP). Par conséquent les femmes homosexuelles désirant un enfant à l’aide de l’AMP doivent recourir aux services étrangers des pays qui l’autorisent, soit la Belgique ou l’Espagne par exemple. De retour en France, la mère biologique, qui sera reconnue comme telle par la législation française, ne partagera l’autorité parentale avec sa conjointe qu’à la condition que les tribunaux saisis les y autorisent. La démarche vaut pareillement pour les personnes ayant contracté un PACS.

Quant aux hommes, nécessité leur est imposée de recourir aux services d’une mère porteuse. Or, la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France, car elle remet en cause une règle fondamentale : “la mère est celle qui accouche”, et parce que l’on craint le risque d’instrumentalisation du corps humain, une gestation rémunérée, faisant du ventre de la femme un instrument de production et de l’enfant une marchandise. Le projet de loi ne prévoit pas d’ouvrir l’aide médicale à la procréation et la gestation pour autrui. Quelle solution envisager ? Tout se qui se présente paraît aléatoire. Si les lesbiennes peuvent avoir recours à l’AMP en se rendant à l’étranger pour y procéder, le refus de la GPA au bénéfice des hommes homosexuels est bien difficile à envisager.

Dans le dernier numéro des Études (1), Pierre de Charentenay pose la question : “Dans un couple hétérosexuel, que deviennent les rôles du père et de la mère lorsque ces notions auront disparu du Code civil ?” . Il note que des études américaines ont révélé que l’épanouissement de l’enfant né d’un couple homosexuel équivaut à celui d’un enfant né d’un couple hétérosexuel. Mais qu’une étude plus récente, de 2012, montre le contraire. Qui croire ?

C’est donc bien, conclut P. de Charentenay, au niveau philosophique, anthropologique et juridique que la décision doit être prise, et cela dans l’intérêt de l’enfant.
 

Gérard LEROY, le 7 novembre 2012

(1) Revue Études, Novembre 2012.