Jean Lavoué est un penseur laïque, s’inscrivant  dans le sillage de Jean Sullivan et de Marcel Légaut (cf. " Un homme de foi et son Église ")

   La nouvelle Pentecôte

Ce n'est pas à fusionner en un tout le plus grand nombre d'adeptes qu'œuvre l'Esprit, mais bien plutôt à envoyer jusqu'aux extrémités de la terre chacun de ceux qui auront fait l'expérience existentielle et vitale du Souffle saint qui agît en eux. L'intuition conciliaire de l'enfouissement du levain dans la pâte du monde reste forte et c'est en prenant le parti délibéré du pluralisme que l'on peut donner à l'Évangile la chance de fleurir à nouveau. Comme l'a bien démontré Claude Geffré, universalité n'est pas synonyme  d'uniformité.

La voie de la contemplation, voie d'humanité, est le champ par excellence où les différentes traditions peuvent et doivent s'ouvrir les unes aux autres. "Le contraire de la contemplation, ce n'est pas l'action, mais le souci qui étouffe la parole et appesantit l'intelligence. La contemplation ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire toute chose devant Celui qui appelle à être ce qui n'est pas" (Règle des diaconesses de Reuilly).

Les traditions d'Orient insistent sur la maîtrise du corps et du souffle, sur l'abandon et le lâcher-prise tendant vers la présence à soi-même et au monde. 

C'est ce qu'ont su pressentir des chercheurs comme Alexis Carrel: "Les simples ressentent Dieu aussi facilement, aussi naturellement que la chaleur du soleil ou le parfum d'une fleur. Mais ce

Dieu, si abordable à celui qui sait aimer, se cache à celui qui ne veut que comprendre". Personnage fascinant et controversé, ce Carrel qui a aussi reçu le prix Nobel de médecine (chirurgie vasculaire).

L'Occident se confie davantage à l'événement comme maître intérieur, à la succession des causes et des effets avec leur visée ultime. Sa vision d'un  monde sensé, ordonné par la parole du Logos est conforté par sa foi en un autre monde.

Aujourd'hui, les traditions mystiques d'union du divin et de l'humain, refoulées par l'Occident (la béguine Marguerite Porete brûlée vive…pour son Miroir des âmes simples et anéanties), se trouvent remises au jour par la rencontre avec les traditions spirituelles d'Asie. Si un véritable dialogue intra religieux parvient à s'établir, la connaissance des autres traditions ne peut qu'élargir notre perception du trésor de vie enfoui dans la nôtre.

Encore faudrait-il que l'Église cesse d'être foncièrement peureuse à l'égard de la force et de la liberté intérieures, inhérentes à l'Évangile. Et qu'elle se persuade qu'elle n'a de chance de devenir universelle qu'en s'absentant elle-même, à la manière de son fondateur. 

 

Xavier Larère, le 7 octobre 2014