Pour Christine et Gérard Moulin, en hommage amical
Le plus ancien code de loi de Mésopotamie est le Code d'Urukagina (v. 24e siècle BC.) cité par d’autres ouvrages anciens. Le code d'Ur-Nammu lui succède. Bien qu’incomplet, il permet de comprendre la vision qu'avait le roi de la loi et de l'ordre sur ses terres.
Ur-Nammu a établi sa dynastie, la 3e d’Ur, à Sumer, après que la Mésopotamie fut soumise à l'Empire akkadien de Sargon d'Akkad, jusqu'à 2083 avant J.-C. À cette période on assista à des changements climatiques importants dont la sécheresse et la famine ayant affaibli la population ont favorisé une invasion par un peuple d'Asie occidentale. Les envahisseurs, les Gutis, successeurs des Sargonides, étaient originaires de la région de l'Iran actuel. Les spécialistes les qualifient d’incompétents en matière administrative, ignorant comment vénérer les dieux et les pratiques religieuses de leurs aînés, incapables de faire progresser la civilisation.
Les Gutis furent vaincus dans une bataille entre 2055 et 2047 sous le règne d'Utu-hegal, d'Uruk. L'autorité de la royauté, revint alors à la ville d'Ur et à son gouverneur, Ur-Nammu, le gendre d'Utu-hegal.
Ur-Nammu s’en alla reconquérir les principales villes, dont celle d'Eridu, où l'on situe l'invention de l'araire atttelé au 4e millénaire. Ur-Nammu reconstruisit et rénova temples et centres de commerce endommagés lors des guerres. En devenant roi, il établit la troisième dynastie d'Ur à Sumer de 2047 à 1750 avant J.-C.
À cette époque « l'herbe poussait haut sur les routes du pays » où l'on ne cultivait pas de céréales ni ne pêchait de poissons, où il n'y avait ni vin ni sirop. Ur-Nammu, véritable successeur des Sargonides, revitalisa le pays, rénova ses parcs publics, fit irriguer les jardins dans et autour des villes, multiplia les vergers, favorisa les arts. Il restaura l'économie sumérienne en offrant des emplois à tous ceux qui aspiraient en avoir.
Les cités-états sumériennes sous Ur-Nammu prospérèrent. Afin de maintenir cette prospérité, Ur-Nammu institua son code de lois, s'assurant que chacun comprenait ce qui était exigé de lui pour vivre en paix sous son règne.
Ur-Nammu encourageait ses sujets à se considérer comme une famille. Il reconnaissait le pouvoir des croyances et présentait ses lois comme ayant été reçues des dieux. Enfreindre la loi était considéré comme une rébellion contre la volonté divine. Les lois couvraient aussi bien les affaires civiles que pénales, lesquelles punissaient les délits capitaux : le meurtre, le vol, la défloration de la femme vierge d'un autre homme et l'adultère lorsqu'il était commis par une femme. Pour les autres délits, la peine était une amende en argent... Le chercheur Samuel Noah Kramer (qui a traduit le code en 1952) le décrit tel qu'il apparaît en colonnes sur une tablette d'argile en écriture cunéiforme. Tous les sujets étaient considérés comme égaux, quel que soit leur statut social, afin que « l'orphelin ne soit pas la proie du riche, la veuve ne soit pas la proie du puissant, l'homme d'un sicle ne soit pas la proie de l'homme de soixante sicles ». Les lois étaient formulées selon le modèle de la phrase conditionnelle « si l’on commet cela, alors ça vaut telle peine ». Ainsi :
Si un homme à un homme avec un instrument coupe le nez d’un autre, il paiera 2/3 d'une mine d'argent.
Dans le code d'Ur-Nammu, deux délits en particulier sont remarquables :
Si un homme a crevé l'œil d'un autre homme, il pèsera la moitié d'une mine d'argent.
Si un homme a cassé une dent d'un autre homme, il paiera deux sicles d'argent.
Le code fut développé par les successeurs de Shulgi, fils d'Ur-Nammu, et influença la formation des codes ultérieurs tel le code rédigé sous le règne de Lipit-Ishtar (vers 1870-1860 BC). Car quelques étapes s'inscrivirent entre le code d'Ur-Nammu et celui d’Hammurabi. Le code de loi bienveillant d'Ur-Nammu dut être modifié. La diversification de la population homogène de Sumériens, vers la fin du IIe millénaire, se poursuivit jusqu'à l'établissement d’une dynastie établie vers 1940 av. J.-C. Le code de Lipit-Ishtar semble avoir été créé pour traiter les litiges découlant de problèmes de succession, d’héritages et d’asservissement pour dettes.
Sous le règne du cinquième roi de cette dynastie, Lipit-Ishtar, un nouveau code de lois fut nécessaire, dont l'une des principales dispositions traitait de l'asservissement pour dettes, largement pratiqué, surtout par des personnes se vendant comme esclaves. Le code imposait également le service communautaire pour les travaux publics et fixait des taux d'imposition et des lois sur les successions équitables.
Le système judiciaire mésopotamien s'appuyait principalement sur le droit coutumier, défendu par l'assemblée des anciens, les fonctionnaires ou les tribunaux de la ville. Les juges choisis au sein de la communauté locale pouvaient être nommés par le roi. Les parties défendaient leur propre cause et pouvaient être accompagnées de témoins. Les procédures et les verdicts, étaient consignés par écrit. En l'absence de témoins, l'accusé pouvait être soumis à une épreuve, telle que l’ordalie au Moyen-âge, être jeté dans une rivière. L'innocence était prouvée lorsque la "rivière refusait" le coupable (…). Les rois, gardiens de la loi et de l’ordre, émettaient des réformes juridiques, des remises de dettes et des décrets consignés par écrit, désignés comme codes de loi.
Ces codes ont servi de modèle au code d'Hammurabi qui allait influencer la création de la loi mosaïque de la Bible. Le code de Hammurabi, traitait beaucoup plus sévèrement que le code d’Ur-Nammu. Le code d'Hammurabi, rédigé trois siècles plus tard, prenait des dispositions du type « œil pour œil, dent pour dent ». Ainsi, si quelqu'un crevait l'œil d'un autre homme, il payait avec l'un des siens, de même avec une dent.
Hammurabi était arrivé au pouvoir après que son père, Sin-Muballit (roi de 1812 à 1793 av. J.-C.), avait attaqué la riche cité de Larsa. Vaincu, il avait abdiqué en faveur de son fils, Hammurabi, qui estimait hâtive la campagne de son père contre Larsa. Hammurabi sembla rechercher la paix et s'occupa de projets de construction cependant qu'il levait et équipait discrètement l'armée qui allait conquérir toute la Mésopotamie.
Gérard Leroy, le 24 septembre 2022