Pour Cathy Depernet, en hommage amical

   C’est la fin de la messe. Tandis que résonne l’Alleluia chanté dans l’allégresse par les fidèles, une femme sort, avec une discrète précipitation : elle ne supporte pas la joie exubérante que font porter à ce chant les participants. Elle est trop éprouvée par sa thérapie lourde pour souffrir cette ivresse.

Que signifie donc cette joie ? Parenthèse paradisiaque dans un monde en crise ? Oubli, le temps d’une prière, de la Syrie ou de l’Irak en ruines, du Proche-Orient en feu, de la Somalie qui agonise, des routes bordées de misérables errants en quête d’une oasis de paix ? Célébrer, est-ce planer au-dessus des réalités accablantes et funestes ? Entendons notre prière. Dans le tréfonds de nous-même c’est un cri, trop fort pour qu’il soit entendu, contre tous ceux qui, de manière directe ou par consentement passif, participent ou déclenchent le malheur des hommes, nos frères en Christ. 

Après sa résurrection Jésus s’en va montrer ses plaies à qui éprouve le besoin d’une vérification positive, comme Thomas. Jésus ne lui présente pas ses cicatrices, qui le maintiendraient encore dans le temps et placeraient sa Passion dans la catégorie des souvenirs. La Résurrection n’abolit pas la Passion. En revanche elle en livre le sens. La Passion est une œuvre d’amour vécu jusqu’au bout en regard du déchaînement du mal. Il faut à Thomas comprendre les souffrances de Jésus et sa Passion pour entrevoir qui est Jésus, par-delà celui qu’il a fréquenté, et ce que c’est qu’être Dieu. Les plaies de Jésus, incrustées dans ses mains, et le côté ouvert, transpercé, témoignent de l’humanité de Jésus et de l’amour de Dieu. Ce vivant est venu cheminer avec nous, offrant de partager sa Parole et son Pain. Et ce vivant est Dieu offrant par amour ses souffrances et sa mort. Pour nous, les humains.

La Résurrection de Jésus n’a rien à voir avec un triomphe éclatant, un tour de passe-passe dont Dieu aurait eu le secret, et qui s’imposerait à tous. Les chrétiens ne sont fidèles à leur singularité propre que pour autant ils font la preuve que loin d’appartenir à une religion impérialiste et inclusive, le christianisme se définit par la kénose du Dieu de Jésus-Christ et du Christ lui-même. L’expérience chrétienne est d’abord l’expérience de cette origine toujours manquante qu’est l’altérité même de Dieu, que vient nous rappeler pour nous relier à lui, l’Esprit.

Jésus est ressuscité. De nuit. La Résurrection est semée dans le monde, comme une graine appelée à croître. Sa croissance nous est confiée.

C’est à ces miséreux en haillons, à ces enfants au regard abattu, à ces mères éplorées serrant dans leurs guenilles leur bébé, que nous renvoie Jésus quand il dit : “Mets ta main dans mon côté”. 

Crions de toutes les forces de la prière contre ce mal qui se répand sur le monde d’aujourd’hui, si destructeur. Et restons assurés du lendemain... parce que nous sommes déjà ressuscités.

 

Gérard LEROY, le 14 octobre 2015