Pour mon amie Laurence Spee, en souvenir de notre escapade à Essaouira

   La mezouzah (hébreu : מזוזה, poteau de porte ; plur. mezouzot) est un objet apposé sur le linteau ou sur les murs de côté des portes des maisons habitées par des personnes de confession juive. Cet objet, qui en intrigue beaucoup, ressemble à un étui ayant la forme de ce coquillage assez répandu sur les plages de la Manche ou de l’Atlantique et qu’on appelle le couteau. La mezouzah renferme un mince rouleau de parchemin comportant deux passages bibliques.

La coutume s’appuie en effet sur un passage du Deutéronome où Dieu commande à Moïse de placer sur le linteau de chaque maison de son peuple la trace du sang de l'agneau pascal que les Hébreux auront sacrifié la nuit de la plaie des nouveau-nés. Ainsi Dieu passant devant la demeure l’écartera de la malédiction qu’il a promise à tous les nouveaux-nés de l’Égypte pharaonique. C’est le Livre du Deutéronome qui relate cette histoire, précisément le passage de Dt  6, 4-9 et Dt 11,13-21, relatif au Shema Israël (“Écoute Israël”). Le mot Shema commence par la lettre shin (ש). Cette lettre figure sur chaque mezouzah mais elle renvoie au mot « Shaddaï » (שדי), qui est l'un des noms de Dieu dans le judaïsme. 

Chacun des courants juifs adapte à sa propre tradition la pose de la mezouzah. Les Samaritains gravent depuis toujours les passages bibliques au-dessus de leur porte d'entrée, tandis que les Juifs rabbanites, reprenant les mêmes extraits du Deutéronome, les tracent sur un morceau de parchemin qu’ils replient dans l’étui qu’ils appliquent aux linteaux de la plupart des portes de leur habitation. Les Karaïtes, fidèles à l’écrit de la Bible et opposés à la loi orale rabbinique, remplacent la mezouzah par une plaque symbolisant les dix commandements.

La coutume veut à présent que la mezouzah soit placée à l'entrée de la synagogue et de tous les lieux

où les Juifs résident en général. L'étui est fixé à droite de l'entrée, en biais ou verticalement, et à une hauteur équivalente au tiers de la hauteur du montant de la porte à partir du linteau. La mezouzah est, depuis le Moyen Âge, posée en biais pour faire un compromis entre l'avis du Grand Rachi (1) préconisant une position verticale, et celui de son petit-fils, préconisant une position horizontale. La communauté juive séfarade suit l'avis de Rachi et a adopté la position uniquement verticale. Avant de la fixer on prononce une bénédiction.

Le parchemin, fait de la peau d'un animal pur, est calligraphié par un scribe habilité à cette tâche. On fait vérifier régulièrement (deux fois tous les sept ans) ce parchemin afin de s'assurer que le texte est toujours en bon état. La lettre Shin de l'alphabet hébreu est généralement visible sur le boîtier qui protège le parchemin enroulé à l'intérieur. 

La mezouzah n’est ni une amulette ni un fétiche. Le Talmud explique cependant que la mezouzah assure la protection divine sur la maison juive : tandis qu'un roi humain réside dans son palais, gardé à l'extérieur par ses serviteurs, le Roi de l'univers —au contraire— protège lui-même le lieu de résidence de ses fidèles.

Les plus fervents ont l'habitude de toucher ou d'embrasser la mezouzah en franchissant le seuil.

L'esthétique du boîtier de la mezouzah est aujourd'hui très diversifiée, les fabricants et artisans rivalisant d'originalité pour les matériaux utilisés (bois, plastique, métal, verre ou pierre), son décor et le graphisme de la lettre Shin (ש). 

 

Gérard LEROY, le 30 mai 2014

(1) Rachi (Rabbin Salomon Itzhaki (1040-1105), vigneron champenois, mort à Troyes, considéré comme le plus grand exégète de la Bible et du Talmud, et dont les commentaires font toujours partie intégrante des études juives.