Veuillez trouver ci-dessous le deuxième extrait de la conférence donnée par l'abbé Georges RIEUX le 4e dimanche de Carême. 

Ecce homo

   Miséricorde et réconciliation jaillissent du Mystère pascal, ce temps “où le fleuve de grâce est plus abondant qu’à l’ordinaire.” Devant le reposoir du Vendredi Saint, un adolescent m’a dit : “Je viens vous demander pardon, car aujourd’hui il est donné au monde.” Cette intuition spirituelle ressortit à la plus haute théologie. Car le pardon sacramentel actualise pour nous la restauration intérieure que Jésus nous a acquise une fois pour toutes.

Quelle est notre plus grande misère ? C’es notre volonté rebelle à l’Alliance. Qu’a fait Jésus à Gethsémani ? Il a transformé notre volonté blessée en une volonté conforme à la volonté divine. C’est donc du dedans de notre humanité que la miséricorde a agi.

Du coup, le Jardin des Oliviers devient l’antidote du jardin de la Genèse et le prélude au Jardin de Pâques. Le péché a été désarmé à sa source quand le Christ a porté notre volonté dans les mains du Père, nous donnant accès à la liberté des fils et des filles de Dieu. À une condition : que nous disions comme lui “non pas ce que je veux, Père, mais ce que tu veux” (Mt 21, 39)

Notre Rédemption, précisait le pape Benoît XVI, se réalise dans cette communion des volontés.

Cette démarche est onéreuse et n’a rien de magique. Si saint Augustin recommande la récitation du Pater pour être guéri des péchés véniels, c’est qu’il voit en eux comme l’épiphénomène du drame de notre autonomie, laquelle doit être plongée sans cesse, et tant que durera la route, dans l’Alliance salvatrice. “Le renoncement à la volonté propre est bien au-dessus de trente jours de jeûne” disait le Curé d’Ars.

Le sacrement de la Réconciliation, sacrement pascal qui donne “le pardon et la paix”, est le fruit par excellence de Pâques. C’est en ce sens profond d’une Rédemption définitive, dont il est comme le mémorial, qu’Augustin a pu écrire qu’il fait se rencontrer “la misère et la miséricorde”; Il ne vient pas que guérir nos petites misères, plus encore il réajuste sans cesse notre volonté à l’une et l’autre volontés du Christ (cf. He 10, 10). Ainsi, quand se présente l’occasion de pécher, le sanctuaire de ma volonté est intact. Cela porte un beau nom : la vigilance surnaturelle qui me permet, à mon tour, de terrasser l’antique serpent. Et cette vigilance est d’autant plus aiguisée que, dans sa forme même, le sacrement est signe de l’Alliance. Je rencontre l’autre pour me recevoir de lui, et je rencontre le Tout-Autre par la médiation de l’Église. Ainsi je ne me sauve pas tout seul; je me reçois comme un don. Saint Thomas d’Aquin a perçu la force salvatrice de cette démarche. Par ma décision et la mise en route, déjà, je passe du regret superficiel à la contrition parfaite et le Pardon divin me rejoint (cf. Lc 15). “Oui, je me lèverai”. Ecce homo ! Voici l’homme véritable, ouvert à l’irruption de la grâce !

Nous sommes nous-mêmes l’expression véritable de la miséricorde. Nourrissons-nous, secrètement, l’objection que les chrétiens de Carthage formulaient à leur évêque Cyprien ?  (†258) : “Pourquoi penser par toi ?” “Sans doute, répondit l’évêque, tout croyant a-t-il déjà accès à Dieu par sa conscience. Mais dieu ne veut pas lui pardonner sans passer par le Christ et l’Église qui sont comme la figure concrète de la miséricorde divine.”

Le pape François d’ajouter : “Dieu t’écoute toujours,mais dans ce sacrement il envoie un frère t’apporter l’annonce du pardon au nom de l’Église” (Audience du 20/11/2013).

Le sous-Préfet de l’époque du Cure d’Ars s’était fait pénitent auprès du saint Curé. Il nous livre son témoignage : “Ce prêtre a de grandes vues; il donne de sages conseils; sa direction est douce et ferme mais il faut se soumettre. Du reste, il a raison, je tâcherai de lui obéir.”

Ce confesseur infatigable insistera sur le bonheur intérieur que procure la miséricorde divine, parfois visible chez un enfant qui saute de joie, dans la transparence recouvrée de son âme, après s’être confessé en vérité. Vérité d’un aveu éclairé par la méditation de la Parole de Dieu qui nous dévoile tout ensemble et notre piété et notre avenir lumineux. “De la prédication au confessionnal, la vérité fait la lumière” (Saint Dominique).

 

Abbé Georges Rieux, le 31 mars 2016