Pour Samir Hamamah, en hommage amical

   Au Moyen-Orient une pluralité de peuples et de confessions se sont succédé au cours des millénaires, depuis le 18e siècle av. J.C. et l’aventure de la tribu d’Abraham partie d’Ur, en Chaldée, pour s’établir, après un long et périlleux périple, à Hébron.

S’y sont établis les groupes mitannien, assyrien, phénicien, philistin, nubien, moabite, édomite, babylonien, amorite, cananéen, Samaritain, akkadien, jusqu'aux Grecs marchant derrière Alexandre venu mourir à Babylone. Viendront enfin, au VIIe siècle de notre ère, les sunnites et les chi’ites. Tous ces gens qui peuplent le Moyen-Orient appartiennent à des lignées issues de tous horizons. Chacun a sa langue, son accent qu’on tenait de ses aïeux, l’araméen, le syriaque, l’hébreu, le Kurde, le turc, l’azéri, l’arabe etc.

Ainsi Élias, juif, chrétien et musulman, par foi, arabe et turc par la vie, irakien de fait et de papier par la volonté des « trafiquants » Sykes et Picot, cananéen et palestinien par liaison mystique, tout colore son sang, sans changer ses gènes : comme Abraham d’Ur, descendant de Sem.

La guerre au Moyen-Orient laissera des séquelles germes de nouvelles guerres. Les Anglais et les Français s’étaient retirés du Moyen-Orient, mais tous exerçaient sur les États nés du complot Sykes-Picot une tutelle nouvelle souterraine et pernicieuse que les arabes ne manquèrent pas de qualifier de néo colonialisme, avec le lot des infections secondaires qui y sont attachées, comme l’impérialisme capitaliste.

Dans les cafés et les arrière-boutiques des médinas, l’on sentait sourdre les tempêtes à venir, à travers les conversations confidentielles d’activistes qui rêvaient d’émancipation, voire d’indépendance, renforcées par une unité arabo-islamique à construire. Tout cela augurait un monde nouveau, de justice et de prospérité. On l’appellerait tiers-monde, tel une cour des miracles en marge.

Ce monde aurait bientôt ses repères, sa charte, ses lieux saints. Exit les tuteurs étrangers et leurs satrapes Londoniens ou Parisiens désormais qualifiés d’ esclavagistes.

Les états arabes pensait-on, s’uniraient. La Ligue arabe se ferait. Mais ce qui avait été morcelé par Sykes-Picot ne serait jamais plus recollé. La confrérie des Frères musulmans appelait à l'épuration religieuse sous les appels de l’Égyptien Sayyd Qutb, justifiant le recours à la violence. Le sang devait être le plus puissant des aphrodisiaques. Qutb a été suivi.

Des arabes exterminaient des juifs, des juifs exterminaient des arabes. En Occident chacun choisissait son parti et passait son temps à condamner l’autre, personne n'ayant envisagé que quelque chose d’inédit d'une cohabitation pourrait être aménagée par deux peuples tous deux enfants d’Abraham.

Cette région du monde a enfanté tant de prophètes, de saints, d’apôtres et de compagnons et tant de foules ferventes se veut dorénavant le tiers-monde alors qu'il fut le premier, le séjour de Dieu, le siège de l’Eden.

Il renoue aujourd’hui avec son péché mignon, la guerre intestine, les corruptions, la zizanie, la même vieille tentation pour le pouvoir, de ses maîtres d’un jour, de leur valetaille du lendemain, qui déclenche les grandes migrations vers le couchant.

Le 29 novembre 1947, quand l’ONU adopta le plan de partage de la Palestine, trois entités furent créés : un État juif, un état arabe, et Jérusalem sous juridiction internationale. Trois terres, étroites, enclavées, l'une dans l'autre en forme de prison dans une prison. Personne ne pourrait bouger sans se prendre dans les barbelés. Tout cela était un seul territoire, un seul peuple tour à tour cananéen, hébreu, assyrien, égyptien, romain, arabe, ottoman. Il pouvait le rester sous forme fédérale, libérale et laïque. Mais non ! L’ONU, au service des puissants et des coalitions opportunistes a fait un choix qui les a tous ruinés en parcellisant le territoire et en déplaçant ses populations pour créer des groupes ethniquement et religieusement homogènes, les moutons avec les moutons, les chèvres avec les chèvres, les bœufs avec les bœufs.

Ils en sont là aujourd’hui, à s’entredéchirer et pleurer les victimes de leurs ignominies.

 

Gérard Leroy, le 4 mars 2022