Pour Henri, pompier de Paris, en hommage amical

   C’est dans ce majestueux édifice que s’introduisirent, depuis 850 ans, des princes et des gueux, des danseuses et des jongleurs, des empereurs et des papes et qui, dans le crépuscule de ce printemps s’embrasa devant notre hébétude impuissante. 

Elle ne fut édifiée, cette cathédrale que sous l’effet de cette source d'inspiration qu’on appelle la foi chrétienne, longtemps contrainte à la discrétion par les persécutions païennes. Car si Lutèce, qui allait devenir Paris, a été évangélisée à partir du IIIe siècle, l’évêque Denis devait en effet célébrer le culte secrètement. Ses successeurs ont vécu dans la clandestinité, jusqu’à l’édit de Milan décidé par l’Empereur Constantin, en 313.

La construction d’un premier édifice chrétien devint alors possible. Là où se situe la cathédrale existait probablement à son emplacement un temple païen, remplacé au IVe siècle par une grande basilique chrétienne dédiée à saint Étienne. Au milieu du XIIe siècle sous le règne de Louis VII, l’évêque Maurice de Sully et le chapitre ont pris la décision importante de construire, à la place de la basilique Saint-Étienne, une nouvelle cathédrale. 

Aux XIIe et XIIIe siècles, dans le nord de la France, se répandait alors la construction d'édifices de style gothique, dont les caractéristiques, nouvelles par rapport au roman, affirmaient l'élancement vertical et la luminosité. L'élan vers le haut qui caractérise les édifices gothiques, voulait souligner l'aspiration des âmes vers une transcendance, une « Suréminence inobjectivable ».

Les cathédrales gothiques montraient une synthèse de la foi et de l'art qui aujourd'hui encore suscite l'émerveillement. Grâce à l'introduction des voûtes sur croisée d'ogives appuyées sur de robustes piliers, il fut possible d'en élever considérablement la hauteur. Les murs périphériques pouvaient être percés de vitraux polychromes, qui devenaient de grandes images lumineuses, bien adaptées à l'instruction du peuple dans la foi.

La sculpture gothique n’a pas abandonné la représentation des épisodes évangéliques et des illustrations qui jalonnent l'année liturgique. En ces siècles s'approfondissait toujours plus la perception de l'humanité du Seigneur, et les souffrances de sa Passion représentées de façon très réaliste : le Christ souffrant devint une image aimée de tous et propre à inspirer piété et repentance. Des sculptures rappelaient les saints, modèles de vie et intercesseurs auprès de Dieu. En dépit de ce Dieu-Transcendant, au-dessus de tous, on percevait toujours l'humanité de Jésus de Nazareth, à travers les souffrances de sa Passion, au côté des expressions de la vie quotidienne, des scènes agricoles, des sciences et des arts. Les personnages devenaient ainsi familiers. 

Le XIIIe siècle déclenchait une dévotion cordiale et filiale envers la Mère de Dieu, représentée comme la souveraine du ciel et de la terre, puissante et miséricordieuse.

Toute la communauté chrétienne et civile participait à la construction et à la décoration de cette maison commune, d'un seul cœur.

Les artistes voulaient que la beauté qu’ils traduisaient dans leur langage, esquisse la splendeur du Verbe fait chair. Saint Augustin interpelle : « Interroge la beauté de la terre, de la mer, interroge la beauté de cette atmosphère légère et diffuse, interroge la beauté du ciel. Interroge l'ordre qui règne parmi les étoiles, interroge la lune qui adoucit les ténèbres de la nuit. Interroge-les. Tous répondront : « Regarde notre beauté ». Leur beauté même est la réponse. Or, ces muables beautés, qui les a créées sinon l'immuable Beauté ? »

 

Gérard Leroy, le 18 avril 2019