Pour Philippe Weickman, en hommage amical
C'est parce qu'ils ont l'impression que les règles du jeu sont faussées que « les milieux populaires détestent les profiteurs qui trichent avec les prestations sociales et qui travaillent au noir », expliquait un sociologue. Il faut ajouter que c'est parce qu'ils ont l'impression de subir un processus de destruction des règles de vie commune que « le terme le plus porteur dans leur discours est celui d'islamisation, qui renvoie à la peur d'une hégémonie », assurait ce même sociologue. Les milieux populaires sont ceux qui ont été les plus exposés à la mondialisation et au multiculturalisme. Ils ne sont pas, en effet, armés pour cela.
Pour les candidats qui veulent reconquérir l'électorat populaire, la conjugaison de la question identitaire et de la question sociale est redoutable. Le parti politique qui fait le lien entre ces deux problématiques est précisément celui de l’extrême droite. Il colle à la demande. Il a calé son programme sur la nouvelle sociologie du Rassemblement National. Il est passé du libéralisme à l’étatisme. Dans la revue Etudes, le politologue Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique et auteur du livre Populismes, la pente fatale (Plon), qualifie le discours de la présidente du RN d’ « ethno-socialiste ».
La question de l'extrême droite n'est pas seulement une question politique, c'est aussi une question sociale. L’une et l’autre de ces deux questions s’adressant respectivement à la droite est à la gauche. C’est bien ce que souligne Pascal Perrineau, professeur à Science Po et directeur du Cevipof, en insistant sur le parallélisme avec l'évolution des extrêmes droites européennes. « Le protectionnisme culturel s'est prolongé d'un ralliement au protectionnisme économique et d'une remise en cause du credo néolibéral du début », dit-il. Le grand danger de la période a un nom : le populisme.
Gérard Leroy, le 26 mars 2022.