Pour Pauline de Marmiesse, en hommage amical

   L’humanité fait depuis toujours le rêve que ses créations vont lui échapper tandis qu’ils croient pouvoir encore les maîtriser.

Depuis le golem, cet embryon informe dans la mystique juive, jusqu’à l’IA en passant par Terminator ou Frankenstein, on est embastillé dans ce cauchemar.

C’est celui que s’apprête affronter le fanfaron Elon Musk, en l’absence de toute règle, oubliant le devoir, la force d'âme, le discernement, la magnanimité, la responsabilité, visant à la fois toujours plus de « buzz », d’argent et de pouvoir jusqu’à provoquer la puissance des nations. Un fossé sépare ceux qui s’intéressent aux chemins de sens de l’existence, et ceux qui ne l’envisagent que selon l’horizon du profit et de la toute-puissance.

N’est ce pas l’angoisse de la finitude qui meut la volonté de viser toujours plus haut, jusqu'à transcender notre nature. En quête d’un idéal inatteignable, infini, certains sont comme envoûtés par les leurres d’une surnature. L’image de la finitude en l’homme est alors jetée aux orties. Elle gêne. Qu’elle s’appelle Vladimir, Donald ou Elon la bête aspire à dépasser la finitude. Le fou prométhéen cherche à nous en exempter.

Cette aspiration à se prendre pour Dieu transfère le rêve en cauchemar. Mais ce cauchemar est flatteur pour nous, seuls à être autorisés à dire « merde » à Dieu. Comme le note avec justesse Raphaël Enthoven il n’y a que Dieu pour produire des créatures assez puissantes, aussi libres pour lui dire « merde ». Donc il y a autant d’orgueil que d’humilité dans le sentiment que l’IA va nous échapper. L’IA est un outil ambivalent, comme la fission nucléaire de l’uranium 235. On peut en être dépendant, on peut en avoir la maîtrise. Ce choix ne dépend que de nous.  L’idée que l’IA va nous échapper est une façon d’échapper nous-mêmes à nos propres responsabilités. Celles-ci commencent par une réflexion éthique, qui a manqué cruellement dans l’exploitation rendue possible par internet.

 

Gérard Leroy, le 18 octobre 2023