Pour Olivier Riols, en hommage amical
Au Ier siècle avant J.C. les rites de pureté rituelle envahissaient la vie des Israélites. Partout bouillonnait une intense religiosité. On n’approchait pas des sanctuaires sans avoir procédé aux ablutions purifiantes. D’où la multiplication des piscines. Un soif de salut se répandait, favorisant l’éclosion des groupes religieux, et le morcellement de la société traditionnelle.
Les sadducéens représentaient l’aristocratie sacerdotale, hautaine et fermée. Ils divergeaient des pharisiens en n’admettant pas d’autre autorité que celle de l’écriture dont ils s’auto-proclamaient les arbitres. Ils accordaient peu d’importance aux immersions que les scribes entendaient imposer. Ils ne croyaient pas aux anges, ni à la résurrection, et pensaient que les âmes disparaissaient avec le corps. Ils niaient l’intervention de Dieu dans le monde. Peu soucieux des mystères de l’au-delà, ils se cantonnaient dans un agnosticisme prudent. Flavius Josephe les décrit sévères en matière pénale, et proches de l’occupant.
Les pharisiens (de l’hébreu peruschim, séparés) se déclaraient « groupes de pureté », développant une surenchère dans l’observance des règles de pureté. Ce rite sépare et isole, et les pharisiens en venaient à produire une société close. Ils croyaient à l’éternité de l’âme, en la résurrection des corps lors du jugement et en la vie du monde à venir. Le pharisien était un homme d’étude. Sa piété exemplaire était centrée sur la Loi et la méditation, assidue, inlassable. Ils manifestaient bien souvent du mépris pour la masse des illettrés (cf. F. Josephe, Antiquités juives).
Des conflits internes au pharisaïsme ont entraîné des divisions d’où a surgi la frange des zélotes qui liaient le politique et le religieux, et menaient une lutte acharnée contre l’occupant Romain. Ils passaient pour des terroristes, traquant les tièdes d’entre les juifs qui pactisaient avec l’occupant. Ils étaient convaincus que leur résistance armée était soutenue par Dieu, et qu’il fallait que l’oppresseur romain fût chassé de Palestine pour que se lève la paix de Dieu sur l’humanité.
Les esséniens étaient également des groupes sectaires, repliés sur eux-mêmes, haïssant les païens et autres juifs, impurs selon eux. Leurs rites étaient gardés secrets, leurs enseignements ésotériques. Ces ascètes et anachorètes vivaient retranchés du monde, dans des régions désertiques invitant à la contemplation, se contentant de peu. Ils dénonçaient la vie urbaine, le commerce qui s’y tenait. Ils avaient rompu avec les prêtres de Jérusalem, n’en fréquentaient pas le Temple, marquant ainsi leur différence, soulignée par des frontières socio-religieuses, au niveau alimentaire et rituel… Ils se disaient seuls partenaires de l’Alliance, seuls élus promis à la rédemption eschatologique. Ils entretenaient un respect obsessionnel de la justice sociale. Leur morale se fondait sur une opposition radicale des vertus et des vices. Ils cultivaient l’horreur —très mazdéenne— du mensonge. La discipline était sévère ; la mise en commun de tous les biens propres devait assurer la cohésion du groupe. Ils prenaient les repas en commun. Pline l’Ancien les localisa avec précision, « à l’occident de la mer (…) ; au dessous d’eux fut la ville d’Engada (Engaddi). » Pline écrivit encore que les esséniens vivaient sans femme et sans amour et que leur secte se renouvelait par l’afflux de nouveaux convertis à leur idéal ascétique. La secte s’est éteinte au moment de la chute de Jérusalem, en 70, sous Titus.
Gérard Leroy, le 21 janvier 2022
Bibliographie sommaire :
- C. Saulnier, B. Rolland, La Palestine au temps de Jésus, Cahier Évangile n° 27
- A. Paul, Le monde des juifs à l’heure de Jésus, T 1, Histoire politique - Desclée - 1981.
- C. Perrot, Jésus et l’histoire, Desclée 1979
- M. Simon, Les sectes juives au temps de Jésus, PUF 1960
- J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien au temps de Jésus-Christ, Beauchesne, Paris 1935
- J. Jeremias, Jérusalem au temps de Jésus, Cerf 1967