Pour mes frères juifs Pierre Guigui, et Gabriel Setruk

Pour mon indigne frère Kyrill

   La fête de ­Hanoukka va surgir dans la nuit de l’hiver. On allumera les bougies sur les ménorahs à 7 branches. Pendant huit jours, tout autour de Noël, elles brilleront. Chaque soir un peu plus.

Elles s’allumeront en mémoire d’un temps où les Séleucides envahirent la terre d’Israël, emmenés par Antiochos « Épiphane » décidé à helléniser Israël. On ne comptait plus les martyrs victimes d’une terrible barbarie imposée par la terreur d’un régime qui cherchait à perdurer en supprimant ses opposants. L’histoire se reproduit aujourd’hui. Antiochos Épiphane fit abolir les lois juives telles que le shabbat, la circoncision, et autres lois très anciennes auxquelles le peule juif était attaché. Le temple construit par Salomon fut profané par le roi, qui démit le grand-prêtre ­de ses fonctions et le remplaça par son frère ­Joshua, autre helléniste radical qui voulait imposer les coutumes grecques aux juifs. L’armée séleucide mena une guerre terrible contre ceux qui s’opposaient à une déjudaïsation. Les rouleaux de la Torah furent brûlés et les juifs furent contraints à manger du porc. Toute insoumission risquait la peine capitale.

À la manière d’un village d’Ukraine comme Bobrynets aux toits bleus, dans l'oblast de Kirovohrad, ou Hlyniany dans l'oblast de Lviv, il arriva qu’une petite ville s’organisa pour résister. Autour d’un vieux prêtre Mattatia et de ses fils, dont Judas Maccabée, des gens se soulevèrent au péril de leur vie et formèrent une armée contre les soldats syriens, à la manière des soldats Ukrainiens contre Wagner. On les appela les « Maccabées ». Judas ­Maccabée, le troisième fils du prêtre ­Mattatia, se fit le chef de la révolte contre les Séleucides. Durant six ans, de 166 à 160 av. J.-C., ils firent face à une armée de plus de 40 000 hommes que les Maccabées finirent par vaincre, soutenus par une population déterminée, aidés de surcroît par les tensions internes entre les successeurs d’Antiochos. Tout cela est relaté avec force détails dans le second livre des Maccabées.

Quand ceux-ci voulurent rétablir le culte de Dieu, tout avait été souillé et pillé à l’intérieur du tabernacle. La désolation était semblable, on le devine, à celle qu’on éprouve devant Marioupol ou Bahkmout dévastés. Les Maccabées dénichèrent cependant une ménorah, qu’ils allumèrent à la faveur d’une petite cruche d’huile d’olive pure. Cette petite lumière, miraculeusement, dura huit jours.

C’est pourquoi aujourd’hui, quand vient le temps de la fête joyeuse d’Hanoukka, chaque maison juive  allume les bougies à la nuit tombée, en mémoire de cette révolte réussie. Hanoukka célèbre l’espoir de tous ceux qui ont risqué leur vie contre l’oppresseur. Et en ce temps de guerre déclenchée par le fou du Kremlin, qu’on oublierait vite, comme le reste, où la domination et la terreur effraient le monde, il est important de veiller.

En Israël, chaque soir, on allume une bougie de plus que la veille, jusqu’au huitième jour. La ménorah illumine alors de ses bougies la maison, où l’intimité permise par la demi-obscurité donne à la mémoire de nourrir une profonde joie.

Commencée timidement, l’illumination devient au cours de ces soirées un symbole fort. La flamme qui grandit un peu plus chaque soir, est porteuse d’espoir. La lumière qui progresse, de jour en jour, cultive l’anamnèse de la crainte d’où surgit la révolte, transformée en soulèvement, et du soulèvement en manifestation populaire, jusqu’à la révolution.

Cette petite étincelle rappelle qu’il suffit d’un petit groupe, douze hommes peut-être, pour changer le monde. Les Maccabées étaient à peine plus nombreux. Pour commencer.

 

Gérard Leroy, le 22 décembre 2022