En partage avec nos enfants, et avec Dominique, la montée vers Pâques
Le mot « Dieu » ne s’inscrit plus dans l’ordre philosophique médiéval, ou même au sens heideggérien (1), en tout cas à l’écart de la simpliste question « Dieu existe-t-il ? » Le mot « Dieu » dit plus. Il présuppose un culte qui rassemble l’ensemble des régimes, des prophéties, des législations, etc. L’approche du mot « Dieu » suit la flèche qui indique un sens qui rassemble toutes les significations issues des discours partiels, et ouvre un horizon qui échappe à la clôture du discours. Nous rejoignons là la phénoménologie comme « science de ce qui apparaît à la conscience » (Husserl).
La philosophe allemande du XXe siècle a pu désigner la foi comme « souci » ultime en quête de l’Unique nécéssaire qui console l’angoisse de notre contingence et de notre finitude. Le besoin religieux n’est rien d’autre que l’aliénation, le sentiment de dépendance absolue.
On désigne encore la foi comme conséquente d’une approche métaphysique, comme « ce quelque chose qui aurait un caractère cognitif dans l’organisation cosmique » (Edgar Morin). Ou bien comme « confiance inconditionnelle » qui donne des raisons d’espérer en dépit de toutes les raisons que nous avons de désespérer.
Dans tous les cas, la thématique de la foi échappe à une herméneutique (2). L’espérance, la confiance inconditionnée sont vaines si on ne l’appuie pas sur l’interprétation, toujours renouvelée, des signes révélés par l’Ecriture, qu’il s’agisse de l’Exode dans l’Ancien Testament comme de la Résurrection dans le Nouveau. Ces événements délivrent « ma » liberté guettant la parole de Dieu. Telle est la constitution herméneutique de la foi(3), dans l’indissociable corrélation entre le monde du texte et la vérité significative qui fait sens, pour moi, ici et maintenant.
On répond ici à la critique de la religion émise par les maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche et Freud) qui s’est constituée en dehors de l’herméneutique comme critique des idéologies (i.e. « ensemble des croyances » pour Marx), comme critique d’un monde arriéré et comme critique des illusions.
C’est toujours ce schéma, quasi-dogmatique, que développe une partie de la culture occidentale présente.
Gérard Leroy, le 22 mars 2024
(1) S’en écarter c’est considérer les formes du discours biblique, l’affinité, le rapport entre la narration et le prophète, d’une part, et la tension correspondante dans le message théologique, d’autre part, enfin le rapport entre le corpus littéraire et l’espace d’interprétation. Témoignage et interprétation de ce témoignage contenant la distanciation qui rend possible l’écriture (cf. Karl Barth).
(2) La situation herméneutique du christianisme révèle ainsi que le rapport entre la parole et l’écriture est constitutif de la prédication, du « kérygme ». La théologie protestante s’appuie sur la chaîne parole-écriture-parole, mais aussi sur écriture-parole-écriture, comme l’accomplit la parole de Jésus entre les deux testaments.
(3) à comprendre comme lecture critique, interprétative et significative pour le monde présente.