Pour Laurence Zigliara, en hommage amical
Le symbolisme de l'encens relève à la fois de celui de la fumée, du parfum, et des résines incorruptibles qui servent à le préparer. L’encens est chargé d’accompagner la prière vers le ciel. Est-il en ce sens un emblème de la fonction sacerdotale ? L’usage de l‘encensement paraît universel. Il a partout la même valeur symbolique : il associe l'homme à la divinité, le fini à l’infini, le mortel à l’immortel.
S’envoler en fumée a donc plus souvent un sens positif que négatif. Il n'y a pas tant de différence en ce sens entre la fumée du bûcher funéraire, celle du copal Maya sacré au Mexique, de l’encens chrétien et du tabac chez les Amérindiens.
Ce symbole paraît univoque, Il scelle alliance ou traité par la présence divine qu'il invite à présider la célébration par l'envoi de la fumée vers le zénith. Identique paraît le rôle purificatoire de la fumée du jonc ou du roseau, attesté dans de nombreux rites de la Chine antique.
Le Dictionnaire des symboles (1) nous apprend que la fumée du bûcher mortuaire emporte l'âme du défunt ; pour les alchimistes point n’est besoin de bûcher car, disaient-ils, il est possible lors d'une agonie de voir le départ de l'âme sous forme d'une légère fumée. Les traditions celtiques relèvent également de la même pensée symbolique. L’encens est dans le rituel hindou mis en rapport avec l'élément « Air ». On le perçoit comme signe de la conscience.
Si la fumée d’encens est artificiellement utilisée dans certaines expériences yogistes, la combustion du bâtonnet est plutôt symbole de méditation, à la mesure du temps.
En Amérique centrale l’encens relève du même symbole que le sang, la sève, le sperme, la pluie. La fumée de l’encens, comme le nuage, est une émanation de l'esprit divin. Nuage et fumée sont d'ailleurs deux mots apparentés dans les langues d'Amérique centrale. D'où les rites du faiseur de pluie qui élève vers le ciel des nuages de fumée.
Dans la mythologie grecque une divinité extrait de « l'Arbre de vie » la sève rouge et coagulante du copal (résine) qu’elle donne aux hommes comme son propre sang. Les Mayas se servent, eux, de l'encens du copal dans toutes leurs cérémonies religieuses pour mettre en fuite les esprits malins.
À Rome, sous Néron, les jeux s’ouvrent par une procession d’une centaine de conducteurs de chars, précédant les athlètes, puis les danseurs. Viennent ensuite les chœurs de Satyres, et les Silènes choisis pour leur poitrine velue, leur gros ventre et leur figure d’ivrogne. À chaque carrefour on brûle de l’encens et des parfums.Les prêtres chamans disent que l'encens est la résine dont l’odeur est attirée vers le milieu du ciel d’où elle vient. L'emploi de l'encens provient donc, pour les chamans, d’un rite de fécondation lié au cycle lunaire. Le rapport entre copal et lune est de surcroît exprimé dans leur langue.
Dans les anciennes religions à mystères, les hierophantes se penchent sur la table sacrée. Ces prêtres instruisaient les futurs initiés en leur montrant solennellement les objets sacrés. Ces objets peuvent représenter les dieux de la pluie par du copal ou par des vases sacrés contenant de l’eau. Aujourd'hui encore les prêtres de ces religions vont processionnellement saigner le copal et brûler l’encens à minuit, le dernier jour de la saison sèche, en vue d’accélérer la venue des premières pluies.
Gérard Leroy, le 17 août 2024
(1) cf. Jean Chevalier, Dictionnaire des symboles, ed. Robert Laffont.