Pour Anne Saccalais, en hommage amical

   Avant l'apparition de l'islam au VIIe siècle, le peuple kurde se rattachait à plusieurs courants religieux, dont le zoroastrisme, le christianisme et, au côté de petites minorités juives, le yezidisme. En dépit de la fidélité de certains à leur tradition, de nombreux Kurdes se convertirent à l’islam au cours de la première moitié du VIIe siècle. Si les musulmans sont aujourd’hui majoritaires au sein du peuple kurde, les Yézidis n'en demeurent pas moins une composante majeure, malgré les tensions créées avec les Kurdes musulmans.

Généralement considérés comme des kurdes non islamisés, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer le nombre. Avant 2003, Bagdad n’en estimait que quelques milliers alors qu'ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers. 

Le Yézidisme est une religion strictement communautaire. On naît Yézidi, on ne le devient pas. Le Yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie. Dieu est lumière tel le soleil qui rayonne sur la terre. C'est la raison pour laquelle le Yézidi prie toujours face au soleil. En cela le Yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.

Pour les Yézidis Dieu est bon, infiniment bon ; c'est pourquoi les yézidis cultivent l'altruisme et prient systématiquement d'abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes. Dieu est en tout et partout. Le Yézidisme fait corps et esprit avec l'ensemble de la création : cosmique, humaine, animale, végétale et minérale. Le Yézidi croit au jugement dernier et, par delà, au jugement des âmes. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation.

Les conditions d'une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de Daesh en viennent à des exactions, massacrent les Yézidis, ou les enlèvent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar, dans la province de Ninive. Les tueries de Daech ont visé spécifiquement les Yézidis : esclavage sexuel des femmes vierges vendues aux chefs ou aux soldats, assassinats, décapitation ou torture de femmes et d’hommes pubères, enfants drogués, « islamisés » et transformés en combattants. 

Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015 par les forces irakiennes et des groupes de résistants coalisés, des dizaines de milliers de Yézidis irakiens restent encore déplacés. Aucun partisan de Daech n'a été à ce jour jugé pour génocide. La France, cependant, par la voix de son Sénat, a reconnu l'existence du génocide des Yézidis en 2016.

Gerard Leroy, le 13 mars 2020