Pour Georges d'Humières, en hommage amical

   La vérité que les hommes tiennent doit être toujours vérifiée, interrogée, critiquée, confrontée à l’aune de la norme qui a sa source en Dieu, qu’elle tend à égaler sans jamais y parvenir. 

À la suite de Guillaume d’Auxerre, maître en théologie du XIIe-XIIIe siècle, et de S. Albert-le-Grand, Thomas d’Aquin reconnaissait que la perception de la vérité tend à la Vérité même (Sum. theol., IIa IIae, qu. 1, art. 6). Cela signifie que l’homme a conscience d’être dépassé par quelque chose, ce quelque chose étant la plénitude de sens de la Révélation, qui nous est transmis par la Tradition depuis le témoignage des prophètes et des Apôtres.

L’élan vers la Vérité même est comme engendré par la source vers laquelle tend l’élan. Si l’autre avec lequel chacun entre en dialogue permet d’avancer dans la dévoilement de la vérité, si l’acquisition de la vérité procède dialectiquement, c’est, pour Emmanuel Mounier, la relation à l’Absolu qui parait imposer le dialogue et maintenir la personne en état de dialogue. N’évoquons pas ici les conversations en dilettante, de salon ou de bistrot, mais pensons plutôt au dialogue qui engage chacun des interlocuteurs, qui fait s’affronter des convictions. La relation à l’Absolu est alors essentielle.

Loin d’affaiblir les convictions, la participation au dialogue les renforce et les approfondit. À la condition bien entendu de ne pas s’enfermer dans une attitude religieuse de type purement  sociologique, et de renoncer à identifier le relatif des états de l’histoire, éphémères, avec l’absolu du don de Dieu.

Il est banal de répéter après Leibniz que les théories sont généralement vraies en ce qu’elles affirment, et fausses en ce qu’elles nient. On erre, plus dangereusement, comme l’observait Pascal, en cheminant sans s’octroyer la moindre dérogation dans le tracé d’une vérité. “La faute, écrivait Pascal, n’est pas de suivre une fausseté, mais de ne pas suivre une autre vérité” (Pensées, frag. 863). “Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un autre qu’il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse.” (Pensées, frag. 9).

 

Gérard LEROY, le 12 octobre 2016