Pour Anne Saccalais, en hommage amical
À Sumer, trois termes expriment le sacré, la pureté originelle, la primauté, la justice. Le sacré se présente comme inséparable de la cosmogonie sumérienne dont chacun des termes est indispensable à son fonctionnement.
À Babylone, le dieu Mardouk est chargé du bon ordonnancement du cosmos (comme le logos chez les grecs).
En hittite, l’adjectif suppi exprime la notion de sacré, domaine réservé au monde du divin.
Dans l’Avesta, les archanges qui entourent Zarathustra, sont dotés de puissance surnaturelle, fécondante, sacrés.
Chez les Grecs, Homère exprime la crainte religieuse, l’effroi en présence de la divinité. En présence du sacré divin, l’homme a un comportement de respect mêlé de crainte. La mise en relation avec les dieux s’opère grâce aux objets et aux lieux qualifiés porteurs d’un caractère surnaturel. De là dérive l’inviolabilité des lieux de culte. Hagios est bien l’épithète de la transcendance divine.
La religion romaine, mise en évidence par G. Dumezil, montre deux pôles : d’une part le dieu principal, Jupiter, souverain céleste ; d’autre part il y a l’homme qui veut mettre sa vie et ses actions en conformité avec la volonté des dieux.
Les rois sont sancti en conformité avec la volonté des dieux, sanctus, comme les magistrats, comme les sénateurs qui sont patres sancti.
Dans l’Ancien Testament, les textes du Xe s. BC relient le sacré au culte. On insiste sur la purification du, peuple avant de s’approcher de Dieu. Au VIIIe s. On sanctifie le sabbat.
Les traducteurs alexandrins de la Septante donnent à l’hagios de rendre le caractère transcendant de la divinité. Yavhé est le Dieu saint.
En Ez 1, 4-14, le sacré apparaît comme la nature de Dieu, l’attribut de sa puissance et de son éternité.
Dans le Nouveau Testament, Jésus est hagios
En islam, sont Haram (interdits) les lieux sacralisés par la présence divine, par les actes religieux : la ka’ba, le Rocher de Jérusalem, le tombeau d’Abraham. Allah est source du sacré ; le Coran est sacré.
Pour l’historien allemand des religions, Rudolf Otto, quand un être ou un objet est revêtu de sacralité, l’irruption du divin le constitue médiateur.
Pour Mircea Eliade, le sacré se manifeste dans l’espace et dans le temps, à, travers la réalité. Pour Eliade la sacré se révèle à l’homme religieux comme une puissance transcendante qui a sa source dans le divin. Pour lui, la fonction de médiation du sacré s’exerce par le symbole, par le mythe, par le rite. Par le symbole le monde parle et révèle des modalités du réel ; le symbole est le langage de la hiérophanie et permet d’entrer en contact avec le sacré. Le mythe est une histoire sacrée et exemplaire. Le rite confère une dimension sacrale à des êtres, à des objets, à des fractions de temps, à des espaces.
André Malraux l’a montré : toute création artistique comporte un refus d’une situation donnée et la mise en œuvre d’une liberté nouvelle qui s’affirme. L’art est « anti-destin ». Il annonce un autre monde : l’art a une dimension eschatologique. « il est anticipation du monde transfiguré » disait Nicolas Berdaiev. L’art essaie de vaincre le temps, de lui donner une certaine forme d’éternité. L’art musical ne loue-t-il pas, dans ses oratorio, le Dieu sacré en Jésus-Christ ?
Gérard Leroy, le 22 avril 2022