Pour Gabriel Setruk, Pierre Guigui, en hommage amical
Comment appelle-t’on quelqu’un qui sème la terreur ? Un pianiste ? Un cycliste ? Un poète ? Ou un terroriste ? Il y a un haut degré de rejet du réel, une distopie. Proposons à Mathilde Panot qui vit dans un univers parallèle, d’aller visiter un kibboutz. « Une fois qu’on y est allé on n’en sort pas comme en entrant » a dit Alain Bauer. Comme pour la visite de Yad Vashem.
Les personnes politiques sont en général plus intelligentes que ce que traduisent les postures que leur impose d’assurer leur gourou.
Après la razzia « progromiste" du 7 octobre, il n’y a plus vraiment de limites dans l’esprit des stratèges israéliens. La violence est dés-inhibée. 1200 personnes sont mortes dans des conditions atroces et on ne fait plus de différence entre les victimes civiles et les victimes militaires. Devant les 1200 morts, Bibi Netanyahou n’accorde plus la même importance aux victimes individuelles. La gestion des otages donne le sentiment qu’ils ont été passés par pertes et profits.
Les enjeux politiques
Netanyahou vise une victoire militaire sous jacente à son vœu indéfectible de se maintenir au pouvoir. Sa survie politique et judiciaire mise à mal le 7 octobre peut espérer une compensation s’il détruit les pires ennemis d’Israël. Son problème est reporté. En sursis Bibi.
Il a réussi a contenir le Hamas. Deux de ses dirigeants ont été tués dont Ismaïl Haniyeh en Iran. Restent saufs le chef du Hamas Yahya Sinouar et le chef de la bande armée Mohammed Deif. Le corridor de Philadelphie est occupé et les tunnels ne peuvent plus approvisionner le Hamas. Cette asphyxie lui permet de se tourner vers le Liban sud, et attaquer le Hezbollah.
L’arsenal du Hezbollah est considérable, armé et financé par la République islamique d’Iran.
L’Iran va très mal. Après la mort de l’ancien président Ebrahim Raïssi, dans des circonstances non élucidées, il est permis de se demander s’il n’y aurait-il pas parmi les Gardiens de la Révolution des gens haut-placés qui pensent que la République islamique n‘est plus possible ? Le Corps des Gardiens de la Révolution en Iran compte 150000 soldats, lesquels contrôlent une milice paramilitaire, le Basij, qui dispose de 90000 membres actifs et peut compter sur 300000 réservistes. Les Gardiens de la Révolution sont liés et reliés au Guide suprême, le funeste ayatollah Ali Khamenei.
Ce qui se joue
L’Iran a menacé mais n’a rien fait après la mort de Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas. Toutes sortes d’engins lancés sur Israël n’a été qu’un flop. Le président iranien appelle les pays arabo-musulmans : « Nous ne pouvons pas laisser le Liban devenir un nouveau Gaza ». C’est le moins qu’il puisse dire. Il appelle tout le monde arabe à s’unir derrière le Hezbollah, mais il n’est pas suivi par les Sunnites de l’Arabie saoudite qui se réjouissent de voir l’Iran s’affaiblir.
La tactique de Nétanyahou est de réduire le Hezbollah, de montrer que l’Iran n’a plus la capacité d’agir. Son but, soutenu par les Américains, est d’éliminer les installations nucléaires iraniennes.
Le bouleversement actuel est majeur.
Le calendrier de Nétanyahou est collé à l’élection présidentielle américaine. « Il n’a plus de « surmoi » américain » (Gilles Keppel). Personne ne répond à la Maison Blanche. Nétanyahou a un boulevard : il peut maintenir son pays en état de guerre. Pas un président américain ne peut s’y opposer. Aucun des candidats ne va à la pêche, de l’électorat juif, ou de l’électorat arabe américain. Quelques centaines de milliers d’électeurs dans le Michigan, notamment Libanais, peuvent renverser la donne. Enfin les US sont dans l’incapacité de penser la politique Moyen-Orientale.
Une guerre totale ? Joseph Borrel, chef de la diplomatie européenne le craint. Cela suppose que l’Iran dispose d’une capacité de frappe massive. Douteux. L’armée israélienne va-t-elle passer la frontière libanaise ? Intervenir sur le territoire libanais ferait renaître le souvenir assez amer d’un repli des Israéliens repoussés il n’y a pas si longtemps par des Hezbollah.
Le Hezbollah soutient Bachar el Assad qui reste muet. S’en tiendra-t-il là ? La Syrie est le point le plus faible de « l’axe de la résistance ». Israël a commencé par cibler les Iraniens qui étaient en Syrie. Si l’Iran a réagi le 14 avril dernier, c’est parce que les Israéliens avaient liquidé tous les Gardiens de la révolution qui se trouvaient à Damas pour aider Assad. Aujourd’hui la Syrie est dans un état de délabrement épouvantable. Le président Assad ne tient qu’à un fil. La Syrie était encore il n’y a pas si longtemps un paradis. On avait cru lors des printemps arabes que la démocratie allait naître. C’est aujourd’hui le chaos, le retour de la dictature, de la violence militaire.
Et demain?
Pour l’heure la fête du Kippour précède Roch Hachana. On ne voit pas les sionistes religieux présents dans les unités militaires opérationnelles s’engager à combattre ces jours-ci.
La belligérance gigantesque qui s’étend est en train de faire basculer le monde. Depuis le refus du génocide nazi, ce monde est en train de basculer en un monde nord-sud où la charge est portée aujourd’hui sur Israël. Le cadavre ottoman n’en finit pas de se décomposer, envahissant de ses miasmes post-impériaux les peuples qui, des bordures du Levant aux cœur des Balkans en passant par les contreforts du Caucase, n’en finissent pas de cauchemarder ce testament de sang.
Le culte de la personnalité dont jouit encore el Khamenei, comme jadis Staline, n’est pas qu'un artefact de la propagande. Il provient aussi de la symbiose intime entre le tyran et la plèbe, de la croyance dans la transmutation de leurs désirs partagés. Le guide est adulé en tant que personne collective. L’adulation aura été imaginaire. La jeunesse iranienne prête à la renverser aujourd’hui.
Gérard Leroy, le 4 octobre 2024