Pour Anthony, ce clin d'œil...
De nos jours, le tatouage n’a plus le caractère d’exception qu’on lui reconnaissait encore il y a un demi-siècle. On se retournait sur les tatoués. On les affublait parfois même d’attributs péjoratifs, en tout cas peu enviables pour qui voulait passer pour “Quelqu’un”. Le tatouage est si prisé des footballeurs qu’on ne distingue plus le maillot du dessin. On voit des tatoués partout ! Comment ne pas être traversé de honte de n’en avoir pas !
Le mot vient du thaïtien “tatou”. C’est en effet chez les Polynésiens que cet art a été pratiqué avec le plus de maîtrise. Sa technique est simple, son application plutôt douloureuse, dit-on. Elle consistait, il y a encore peu de temps, à introduire, au moyen de piqûres, des substances colorées sous l’épiderme, à la manière dont usent les médecins pratiquant la mésothérapie. Ce qui est gravé, de cette façon, reste à jamais indélébile. Ainsi le tatouage est vu par transparence. Les peuples à peau sombre ou noire préfèrent la scarification.
Ces dessins peuvent couvrir tout ou partie du corps. Jadis, il fallait des années pour exécuter ces œuvres d’art abstrait. Les plus compliquées, qu’on peut observer aux Îles Marquises ou des Samoa, n’étaient achevées qu’après bien des années, parfois jusqu’à attendre la vieillesse du bénéficiaire. Leur composition, leur dessin, répondaient à des règles précises, aussi normées que les armoiries de l’ancienne noblesse. Le graphisme, les figures, leur assemblage indiquaient l’ethnie, le rang, le lignage, ou pouvaient rappeler un fait d’armes, une expédition, un événement extraordinaire de l’histoire de l’individu. Sans oublier les honneurs reçus dans l’existence ou ceux que le mérite allait justifier.
Certains tatouages avaient une valeur thérapeutique. Mais aujourd’hui, c’est le caractère décoratif qui l’emporte sur les signes socio-culturels.
Le psycho-sociologue André Virel, qui aura marqué son temps, et plus encore le grand nombre de ses patients, conclut un chapitre d’un ouvrage publié en 1979, par un extrait d’un livre de Jules Verne “Un capitaine de quinze ans” :
“Si la peau, noire ou brune, recouvre la charpente humaine, n’est-ce pas pour la zébrer de tatouages, représentant des arbres, des oiseaux, des croissants, des pleines lunes, ou de ces lignes ondulées dans lesquelles Livingstone a cru retrouver des dessins de l’ancienne Égypte ? Ce tatouage des pères, pratiqué au moyen d’une matière bleue introduite dans les incisions, se “cliche” point pour point sur le corps des enfants, et permet de reconnaître à quelle tribu ou à quelle famille ils appartiennent. Il faut bien graver son blason sur sa poitrine, quand on ne peut pas le peindre sur les panneaux d’une voiture !”
Gérard LEROY, le 2 août 2016