Nous, représentants des religions et des traditions spirituelles du monde, réunis à Rome à la veille du sommet du G8 de 2009, sommes unis dans un engagement commun envers la justice et la protection de la vie humaine, la réalisation du bien commun et la foi en la dignité inviolable et voulue par Dieu de tous les êtres humains depuis la conception jusqu’à la mort.

Nous nous exprimons à partir du cœur de la grande majorité des membres de la famille humaine, adhérents des religions ou des traditions spirituelles. En un temps de crise économique, quand bien des sécurités s’effondrent, nous ressentons plus vivement que jamais le besoin d’une orientation spirituelle. Nous sommes convaincus que la vie spirituelle et la liberté de la pratiquer sont la garantie d’une liberté authentique. Aborder les choses par la voie spirituelle rejoint la faim de sens qu’éprouve la société contemporaine. Le matérialisme s’exprime souvent sous des formes idolâtres et s’est révélé impuissant dans la crise actuelle.

Nous poursuivons la tâche importante entamée lors des rencontres interreligieuses tenues juste avant les sommets du G8 (à Moscou en 2006, à Cologne en 2007, à Sapporo en 2008, à Rome en 2009) à partir des bases posées à Londres lors de réunions antérieures. Nous avons été réunis par la Conférence italienne des évêques avec le soutien du Ministère des Affaires étrangères dont nous recevons l’assistance avec gratitude.

Nous saluons les leaders  des nations réunis à L’Aquila, et nous prions pour eux au moment où ils exercent leurs lourdes responsabilités pour faire face aux défis auxquels la famille humaine est affrontée aujourd’hui.

Nous avons commencé notre réunion à L’Aquila en solidarité avec ceux qui souffrent du tremblement de terre dévastateur qui s’est produit en ce lieu, en solidarité aussi avec tous ceux dans le monde qui portent le fardeau de la souffrance.

Nous sommes convaincus que la politique mondiale a besoin d’une inspiration fondée sur des valeurs morales pour faire face aux défis du moment. A travers la notion de sécurité partagée, nous pouvons attirer l’attention sur le caractère englobant de nos préoccupations morales et religieuses. A la lumière de notre compréhension de la sécurité partagée, nous présentons les remarques suivantes sur des sujets de la plus haute importance. Nous employons le mot « sécurité » en un sens nouveau. Nous la qualifions de « partagée » pour exprimer notre conviction morale profonde du fait que le bien-être de chacun est en lien avec le bien-être des autres et de l’environnement.

La sécurité partagée est centrée sur l’interrelation fondamentale existant entre toutes les personnes et avec l’environnement. Elle comprend le respect global de l’intercommunication et de la dignité de toute vie, et elle reconnaît ce fait fondamental que nous vivons tous dans un seul monde. En fin de compte, nous sommes convaincus de ce que pour surmonter la violence, la justice accompagnée de compassion et de pardon sont nécessaires et possibles.

La sécurité partagée concerne toute l’étendue des relations  humaines, depuis celles qui existent entre individus jusqu’aux manières selon lesquelles les êtres humains s’organisent en nations et en Etats. Il en résulte que la sécurité de l’un des acteurs des relations internationales ne doit nuire à aucun autre. Les responsables internationaux qui ont à prendre des décisions de portée mondiale doivent agir d’une manière transparente et être ouverts à la contribution de tous les intéressés.

La crise économique et financière actuelle pèse plus lourdement sur les pauvres. Faire face à cette situation complexe demande que soit mis en place un nouveau pacte financier (1) qui s’en prenne clairement aux causes de la crise financière (2) qui reconnaisse la nécessité de principes moraux fondamentaux (3) qui donne leur juste place  à toutes les parties prenantes (4) et qui traite prioritairement des besoins urgents de financement durable du développement. Nous sommes convaincus que dans la situation de crise économique et de désorientation spirituelle qui affecte les hommes et les femmes de notre temps, les religions peuvent et doivent contribuer de façon décisive à la recherche du bien commun. Tandis que l’on affronte la crise, le besoin se fait sentir de la sagesse spirituelle dont sont dépositaires les grandes religions du monde pour que soit tracé un chemin éthique vers la justice et l’épanouissement humain. Nous demandons concrètement, dans le cadre de la réforme du système financier, une action concertée pour fermer les institutions bancaires non contrôlées fonctionnant dans des centres off-shore. Quant à l’aide au développement, nous demandons que soient incluses parmi ses partenaires de la société civile les communautés de croyants et leurs organisations.

Dans la suite des précédents sommets mondiaux des religions, nous continuons de réclamer que soient réalisés les objectifs de développement du Millénaire. Leur achèvement a été promis pour 2015, mais leur mise en œuvre a pris du retard. La crise actuelle aggrave la situation de ceux auxquels les objectifs du Millénaire avaient pour but de porter assistance. Nous insistons sur le fait qu’il est impératif, pour la vie de millions d’individus, que les objectifs du Millénaire soient atteints à la date prévue, et nous nous engageons à collaborer avec les responsables du G 8 à cette fin.

L’Afrique est déjà durement atteinte par la crise financière mondiale. Elle risque de subir des dommages importants dans les efforts qu’elle fait pour combattre la misère avec des effets négatifs sur la croissance économique des pays qui la composent. Notre espoir est que la communauté internationale place l’Afrique au centre des politiques de développement en trouvant de nouvelles sources de coopération au financement et en encourageant les Etats et la société civile des pays d’Afrique à se mobiliser en vue d’une renaissance de tout le continent. Dans ce contexte, nous voudrions affirmer que le temps est venu de nous engager avec décision pour guérir les blessés de ce continent entier.

Soixante dix ans après le début de la grande tragédie que fut pou l’humanité la seconde guerre mondiale et les nombreux conflits qui l’ont suivie, sources de souffrance humaine, d’injustice et de misère, nous appelons les nations à résister à la tentation de faire de la guerre un instrument de politique internationale et à ne ménager aucun effort en vue d’établir une juste paix pour tous. Nous croyons que tenter de dominer militairement la mer, l’espace extra-atmosphérique, les territoires neutres ou les Etats créée des obstacles au désarmement nucléaire et conventionnel.

Nous pensons aussi que le désarmement conventionnel et les efforts d’interdiction des technologies militaires et des initiatives susceptibles de provoquer une nouvelle course aux armements devraient être menés la main dans la main avec les efforts destinés à faire progresser le désarmement nucléaire.

Nous appelons le sommet du G 8 à poursuivre vigoureusement l’application de politiques de réduction des arsenaux nucléaires et de non prolifération menant au désarmement nucléaire intégral. Nous demandons aux cinq Etats nucléaires reconnus de travailler à l’élimination progressive des armes nucléaires existantes. Les Etats qui disposent d’armes nucléaires mais ne l’on pas admis doivent reconnaître qu’ils les possèdent, prendre des engagements similaires en vue de leur élimination et devenir parties au traité de non-prolifération. Nous insistons pour que le traité d’interdiction des essais nucléaires soit ratifié et entre en application promptement avec l’engagement de n’entreprendre aucune action tendant à réintroduire des essais d’armes nucléaires sous quelque forme que ce soit.

Nous appelons l’attention sur la souffrance du nombre croissant d’immigrants « illégaux » et sur l’absence de normes adéquates pour les protéger. Nous demandons que tous les droits et la dignité des personnes soient respectés et que, là où cela est indiqué, des systèmes de partage des coûts soient mis en place tandis que les Etats reverraient l’ensemble de leurs politiques relatives au statut des résident légaux et des immigrants. Nous attirons l’attention sur le fait que l’immigration s’accroît et que les pressions écologiques peuvent l’accélérer beaucoup.

Nous, représentants des religions et des traditions spirituelles du monde, actuellement réunis à Rome et considérant les menaces et les défis qui marquent nos sociétés en une période difficile de crise, réaffirmons notre engagement de travailler avec tous les hommes de bonne volonté pour réaliser le bien commun. A ce sujet, nous en appelons à la création de mécanismes de dialogue entre les communautés de croyants, les responsables politiques, les organisations internationales et les organes de la société civile.

Notre méthode et notre force, la force d’hier d’aujourd’hui et de demain, seront toujours et seront seulement la transformation des cœurs et l’action partagée par le dialogue.

Le dialogue est un art auquel tous doivent s’exercer et que tous doivent  cultiver au sein des religions, des cultures, des structures politique et entre elles, particulièrement en ce qui concerne ceux qui disposent de puissance dans le monde. Le dialogue demande du courage. Il permet aux hommes de se voir mutuellement plus clairement, ce qui nous permet d’offrir aux nouvelles générations vie et espérance.

Tel est notre engagement renouvelé, tel est l’appel que nous adressons au monde.

Nous nous réunirons de nouveau au Canada en juin 2010.
 
 
[1] Cette déclaration a été adoptée par une réunion interreligieuse de cent vingt délégués de religieux accueillie par la Conférence des évêques catholiques d’Italie. soutenue principalement par le Ministère italien des Affaires étrangères et incluant Religions pour la Paix comme partenaire. La déclaration a été remise au Chef de l’Etat italien par S. Exc. Mgr Vincenzo Paglia, président du Comité pour le dialogue et l’œcuménisme de la Conférence des évêques italiens.
 
Religions for Peace is the world’s largest and most representative multi-religious coalition advancing common action for peace since 1970. Headquartered in New York and accredited to the United Nations, Religions for Peace works through affiliated inter-religious councils in 70 countries in six continents.

 

le 13 juillet 2009