Confidences d’automne sur le temps

À mes sœurs, Françoise et Annette

   Il est un moment du parcours propice aux questions sur le parcours lui-même. Une vie s’en va. Resurgissent alors les questions que formule depuis des siècles l’humanité : “qu'est-ce que je suis venu faire là ?” “Quel sens peut-il y avoir dans ce que nous sommes nés si c'est pour s'anéantir ?

Quand la vie est là, avait expliqué Épicure, la mort est absente, et quand la mort est là nous n’y sommes plus. Alors, quelle importance ? Il y a cependant une différence que souligne fort bien Jean d’Ormesson (1), entre le mystère d’avant-notre-naissance et le mystère d’après-notre-mort, comme il a une différence entre le mystère de l’autre-côté-du-mur-de-Planck (le fameux big-bang) et le mystère de l’après-fin-des-temps : cette différence est la vie, cette différence est l’histoire, cette différence est la conscience que nous pouvons en prendre et que le vieillard prend en compte avec plus d'acuité.

Chacun de nous, comme le monde lui-même, est entré dans le temps. Et chacun de nous se demande ce qu’il est venu y faire. Et si le temps n’était jamais, comme le suggérait Platon, que l’image mobile de l’éternité ? “Ce temps donné au temps est, dans chacun de ses instants, tangent à l’éternel”, écrit d’Ormesson. Ainsi, l’éternité est bien là, présente dans chaque instant de notre présent. On la devine, on la pressent dans le défilé des saisons et des fêtes; elle fout le vertige qui, je l’avoue, ne m'a jamais quitté depuis qu'à l'âge de sept ans j'essayais de me représenter une succession de temps à l'infini. L'infini finit toujours par faire transpirer. Et moi, j'étais en nage.

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