Qu’est-ce que philosopher ?

  En hommage amical à Hugo PEREZ, 

Il est coutume d’entendre, à propos de la philosophie, qu’elle est l’art de l’existence heureuse. Elle serait donc comme une Éthique de la sagesse heureuse, pour le dire comme Spinoza. Serait-ce alors philosopher que de rechercher la sagesse ? Serait-ce un art de vivre et de mourir ? Ou encore une manière d'être au monde en se donnant la tâche d’en apaiser les tensions (1) ? Ne serait-ce pas un travail de soi sur soi (2), offrant la joie de coïncider avec soi-même ? Ne serait-ce pas, comme le préconisait le sage Confucius, connaître, et réfléchir ce que l’on sait ? Désirant vérifier l’authenticité de ce que nous connaissons, il nous faut nous interroger sur la nature de la connaissance. D’abord : est-elle possible et fiable ? Est-elle sensible ? Est-elle intellectuelle ? Quelles méthodes nécessite-t-elle pour se laisser dévoiler ? Par exemple, si je pose la question de l’existence de Dieu vais-je avoir recours à la logique de causalité qui veut qu’un effet se rapporte à une cause, au prétexte que tout ce qui n’est pas par soi est forcément par un autre ? Est-ce la seule logique ?

 

Qu'est-ce donc que la philosophie ? "Une anticipation soucieuse de la mort", disait J. Derrida. 

 

La philosophie c’est tout cela, en plusieurs dimensions.

 

1) L’intelligence de ce qui est

La première tâche de la philosophie consisterait à acquérir un minimum de connaissances du monde. C’est l’invitation de ce bon vieux Confucius. Le monde est-il hostile ? Amical ? Dangereux ? Utile ? Harmonieux ? Chaotique ? Beau ? L’inventaire a été proposé par Luc Ferry. Un jugement positif sur le monde comme histoire a été critiqué par un certain christianisme —je dis bien “un certain christianisme”— qui s’est polarisé sur la vie éternelle, faisant bon marché de la vie d’ici-bas et disqualifiant l’existence présente.

 

Ce mépris du monde a survalorisé le salut des âmes, dans un avenir transhistorique aux dépens de l’histoire présente, rejetant l’idée que le message chrétien puisse être un des ferments de transformation du monde. Comme si l’histoire avait été privée de sa capacité messianique. Ce messianisme purement spirituel s’accommode fort bien de la violence de l’histoire et d’une certaine déshumanisation de l’homme. 

 

Or, le messianisme chrétien, dont il faut rappeler qu’il est fondé sur une histoire, se dispose au service de la transformation de l’histoire et de l’humanisation de l’homme. Tout regard sur le monde l’observe avant tout comme histoire. De cette observation nous parvenons au dévoilement (αλήθεια) du monde, physique, biologique, sociologique, mathématique etc. “Nul n’entre ici s’il n’est géomètre” disait Platon en parlant de son Académie. 

 

2) La quête de la transcendance

Si le Dieu, comme étant suprême, n’est pas accessible en philosophie, Kant l’a rangé dans l’au-delà de

 

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