De deux culpabilités : la fausse et la vraie

Pour Véronique, en hommage amical - Pour Gilles et Béa, cet article qui reparaît aujourd'hui à leur intention, en signe d'amitié

   Il y a une culpabilité morbide et malsaine. Les philosophes contemporains nous ont rendu un grand service, en ce que les Freud, Deleuze, Guattari, Foucault et autres, nous ont aidés à distinguer la vraie de la fausse culpabilité.

Tant que nous n’avons pas découvert notre véritable faute nous risquons de nous laisser entraîner dans une dérive psychologique pathologique, nous accusant d’avoir manqué de force, de courage, de ténacité, d’humilité, de chasteté, que sais-je encore. Nous voilà écrasés par un remords qui voudrait que la faute n’ait pas eu lieu. On souffre de la faute. On regrette mais sans espoir. Surgit alors l’obsession de la condamnation de soi-même par soi-même dans une culpabilité désespérée.

Freud l’explique très bien, montrant que face aux exigences contraignantes du réel auquel obéit le moi, se dresse la maison commune de l’Eros et du Thanatos, qu’on soulage par la sous-pape du rêve et que Freud et Jankelevitch appelaient le “ça”.  Entre le moi, qui tranche le plus souvent en faveur du principe de la réalité au détriment du principe du plaisir, et le "ça" qui rassemble les pulsions d’amour et de mort, s’intercale l’instance judiciaire que Freud dénomme le "sur-moi," qui accumule une somme d’aliénations successives, mémorisées et inconscientes. Juge de paix de la psychè il englobe le moi idéal façonné sur le modèle du héros (d’Artagnan, le Cdt Cousteau, Zidane, Sissi etc.) mais aussi nourri de tous les interdits culturels, assénés par nos grand-mères, brandis par les coutumes, pas obligatoirement par la loi. Ce sont ces interdits qui entraînent la culpabilité. La culpabilité est l’effet du retournement partiel de l’agressivité contre soi-même. Elle s’exerce comme une morsure que le sur-moi impose au moi qui ne correspond pas à l’idéal du moi.

Dieu est alors perçu comme justicier, Père Fouettard, celui qui nous regarde d’un regard vengeur, implacable, anonyme et omniprésent. C’est le “voyeur” dont parle Nietzsche dans le Zarathustra. Dieu n’est que le témoin omniscient qui voit tout, l’indiscret, l’indécent qui condamne à une moralité d’esclave. En face de Dieu, nous dit Sartre, l’homme n’est plus qu’un assujetti, un fétu, une chose. “Je vous sens jusque dans mes os," dit le personnage de Huis Clos. "Vous m’avez volé jusqu’à mon visage”.

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