Pour Laurence Zigliara, en hommage amical
La foi des premières communautés chrétiennes les marginalisaient. À Rome dès lors que ses adeptes se tenaient tranquilles, un dieu de plus ou de moins ne gênait personne : en matière de dieux Rome était ville ouverte. Au plan civique, dès lors qu’on ne mettait pas la pagaille, on pouvait bien adorer qui on voulait.
Cependant l’absence des chrétiens aux cérémonies du culte finit par choquer… Jamais ces gens ne prennent part aux banquets sacrés, où l’on mange de la viande. Tertullien, vers la fin du IIe siècle, a écrit quelques lignes qui rapportent les rumeurs qui courent sur les repas communautaires chrétiens. L'extravagance du propos se veut une arme tournée contre ses adversaires. Le texte s'attaque en effet au banquet romain dont la profusion, le luxe et l'assistance dévoyée sont comme l'antithèse des agapes chrétiennes reposant sur la frugalité, la solidarité et la piété bien sûr.
Bien qu’exagéré le témoignage de Tertullien est révélateur de la perception que certains Romains se font des chrétiens et des fantasmes que nourrit le refus de participer aux banquets romains. Alors que les chrétiens, qui déboulent de partout, c’est au nom de leur Dieu Christus qu’ils boudent les cérémonies officielles. Ils se démarquent de la société romaine qui aspire à ce que ses valeurs soient partagées par tout le monde. Pour les chrétiens, la question du banquet est une question d'autant plus sensible et centrale qu'elle renvoie à un acte fondateur : la Cène. Le banquet dans sa dimension rituelle ne peut donc être l'objet de compromis rituels pour les chrétiens. Cette attitude est incompréhensible pour les Romains.
Les Romains ne comprennent pas les chrétiens tandis qu’ils tolèrent les juifs à pratiquer leur religion, certes moyennant redevance, mais aux yeux du pouvoir il s’agit chez les juifs d’une divinité ethnique, propre à leur communauté, avec ses traditions, ses coutumes, ses croyances. Les Romains connaissent certaines de leurs particularités et acceptent que leur croyance implique des obligations rituelles difficilement conciliables avec les gestes de sociabilité du reste de la population. Le refus des Juifs de la commensalité romaine choque moins les Romains. Le plus souvent l’indifférence prévaut.