Pour Frère François, en hommage amical
L'annonce des noces connote aussitôt la fête, les cotillons et les serpentins. Les « noces de l’agneau » pour reprendre l’expression de saint Jean, consacrent cependant une alliance quasi dionysiaque. Certes entre Dionysos et le Christ l’écart est immense et nous invite à un choix. Soit on ira vers la capacité d’assumer et de porter seul le tragique de sa propre existence, quitte à ne retenir de cette même existence que le poids qui l’a alourdie. Soit on acceptera de ne pas porter tout seul la lourdeur de sa vie. C’est la voie qu’ouvre la Résurrection, non pas celle qui ôte le poids à la vie, ce serait trop facile, mais celle qui invite à vivre autrement : « porter légèrement le fardeau lourd », ainsi invitait Søren Kierkegaard dans ses Discours édifiants.
Rappelons le sens des noces que leur donne saint Jean et du socle grec sur lequel est né Jean. Il y a du dionysiaque dans l’eucharistie, une véritable ivresse du divin. Sans tomber dans les dérives telluriques des poètes, d’un Hölderlin ou d’un Novalis, la table eucharistique peut être un hymne à la création tout entière. Après que la Terre se soit endormie avant de s’en remettre demain aux mains calleuses du laboureur « Qu’il te soit rendu grâce », disait Teilhard dans sa Messe sur le monde, « Ô mon Dieu, je t’offre comme dans un calice la sève de tous les fruits qui seront aujourd’hui broyés, le labeur et la peine du Monde. »